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enfants, « ses propres esclaves de fabrication maison ». Le gosse tyrannisé s’entend dire : « Plus tard, tu seras le maître ; pour l’heure, tu obéis. » Le maître de qui ? Le maître de ses enfants, sur lesquels il se vengera. C’est « humain »…

Des travailleurs sociaux veulent devant moi défendre l’école et me rappellent que quarante mille enfants chaque année en France sont maltraités par leurs parents. Ils en concluent que l’école a « quelque chose de bon » puisqu’elle protège de la famille. Pauvre école ! On lui aura donc tout fait faire. Bien sûr, elle est forcément aussi assistante sociale. Comment concevoir notre système social sans les assistants ad hoc ? C’est eux qui constituent l’équipe de maintenance.

Tout est pour le mieux. L’école défend les petiots contre les abus des parents. Les parents veillent à ce que l’école ne se substitue pas à eux. Les adultes mutuellement se contrôlent et contrôlent la situation. Les mômes en sont les otages.

Quand bien même je n’aurais pas désiré vivre quelques années en compagnie d’un enfant, j’aurais, je pense, été tentée d’examiner d’un regard un peu critique les quelques postulats sur lesquels se fonde l’autorité de l’adulte sur l’enfant. Il semble aller de soi que le monde des adultes est le monde normal et que les parents y adaptent l’enfant. En vertu de quoi ?

Mise à part la légende triviale qui voudrait que l’adulte fût plus mûr ou plus sage (n’importe quel bulletin d’information suffit à foutre en l’air des sornettes pareilles), demeure encore l’argument du « pouvoir par le savoir ». Les adultes sauraient manœuvrer le monde, pas les enfants, parce qu’ils maîtriseraient les techniques. Cela n’a aucun sens : tout môme de douze ans qui a fait un peu d’électronique me dépasse complètement en ce domaine. Qui de toi ou moi répare les appareils ménagers, examine la première les notices d’emploi, a l’idée de démonter une mécanique qui se déglingue ? Pas moi. Si l’on s’en tient au seul savoir scolaire, le gosse, en principe, n’a pas encore eu le temps d’oublier tout ce que moi j’ai oublié. Quant aux autres savoirs, c’est inutile même d’y faire allusion : un enfant de sept ans pianiste en sait plus en ce domaine qu’un adulte qui ne l’est pas. Ce n’est pas l’âge qui jamais conféra le savoir.

Alors d’où viendrait cette autorité de l’adulte ? De sa taille ? Parce qu’il est plus facile de donner un coup de pied à un pékinois qu’à un doberman ? Réponse insuffisante ; il est tout à fait vrai que généralement on fout aux gosses des torgnoles jusqu’à ce qu’ils soient en âge de les rendre, mais certains adultes qui n’ont jamais frappé un enfant n’en