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L’enfant n’a pas le droit de travailler. C’est une grande ineptie. Mais il y a là un sac de nœuds.

Tu avais sept ou huit ans, si je me souviens bien, lors de la première soirée de baby-sitting où tu as gagné de l’argent. Tu étais terriblement fière d’avoir gardé Émilie. Il va de soi que les enfants qui travaillent occasionnellement de leur plein gré pour se faire un peu de sous sont toujours très heureux de pouvoir se montrer compétents et consciencieux. Un gosse de huit ans est parfaitement capable de distribuer les journaux pendant un an à six heures du matin qu’il vente ou qu’il neige et de se lever pour cela à cinq heures (tu te souviens de Barbara ?). Mais pareille contrainte n’est supportable que si l’enfant, seul, s’est fixé un but (pour Barbara, un voyage). Ou bien encore si le mode de vie librement choisi par l’enfant suppose un travail en commun. Je pense ici aux enfants de l’École en bateau qui non seulement font leur boulot de marin, mais vont chercher par-ci par-là du travail là où il se trouve (vendanges, ramassage des olives, pêche sous-marine) ou sur les bateaux (peintures, vernis, grattage de coques).

Mais de même que j’ai refusé, parmi les femmes, de militer pour le « droit au travail », estimant que les rapports au travail sont dans nos sociétés de la perversion pure et qu’aucune libération ne peut venir d’un droit à l’aliénation, je ne défendrai pas davantage le « droit au travail » pour les enfants. Le droit aux travaux occasionnels, bien sûr. Cela ne se discute même pas et heureusement que la plupart des jeunes arrivent à travailler « au noir ». Le peu d’argent que les enfants gagnent de cette façon leur donne une toute petite marge de manœuvre par rapport à papa-maman et c’est toujours ça : « Ce vélo, je l’ai payé avec mon fric et rien ne m’empêche de le prêter cet été à Véronique ! » Bon. Mais le travail qui permettrait une autonomie financière réelle par rapport aux parents, la location d’un logement par exemple, ce travail « salarié » pose le problème de l’exploitation. Et certes, problème il y a. J’ai peu voyagé mais assez pour avoir vu des gamines de cinq ans travailler dans des filatures. Ailleurs la prostitution est courante parmi les filles et les garçons de huit ou neuf ans. Mais c’est encore John Holt qui fait remarquer que la question est mal posée. Ce n’est pas le travail qui devrait être interdit aux gosses mais leur exploitation, que ce soit par les employeurs ou par les parents.

En admettant pourtant qu’on donne aux enfants les pleins moyens de se protéger contre toutes les formes de pression parentale ou autres, j’imagine assez mal, dans l’hypothèse d’une école non obligatoire (donc nettement plus intéressante), comment éviter que les enfants sans le