Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je te vois sourire. Tu me reproches de me réfugier derrière les « grands ». Il est vrai que c’est par lassitude. J’ai trop souvent eu à « défendre » ces amis qui ont voulu un autre rapport à leur enfant que celui du dressage. Dans les lieux où des mômes déscolarisés vivent ensemble (lieux de vie, écoles parallèles, etc.), le refus de la punition prête à bien des visiteurs un prétexte à parler de « totale liberté » pour celles et ceux qui éprouvent pour ce mode de vie de la sympathie et à crier au « laxisme » pour les autres.

Les deux points de vue sont erronés. Il n’y a pas plus de laisser-aller que de jouissance sans entrave. Il y a des adultes et des enfants qui apprennent à ne plus avoir peur. Ce n’est pas forcément facile. Les périodes de gangstérisme et trente vitres à remplacer, ça demande un grand sang-froid et une confiance inébranlable dans les rapports humains véritables qui peuvent naître au sein d’un monde d’où la punition est exclue. Et il ne s’agit pas d’avoir l’enfant à l’usure. Mais d’instaurer coûte que coûte une relation où l’enfant a le même poids, la même valeur qu’un adulte, où tout individu, quel que soit son âge, est considéré comme seul responsable de ses actes. La liberté apparente dont quelques-uns se disent frappés en entrant dans ces lieux n’est pas la vraie liberté. La vraie liberté ne se voit pas. Qu’un gosse dise à tel ou tel adulte : « Tu me fais chier, laisse-moi seul » ne donne aucune indication sur le degré de « liberté » qui se déploie ici. Mais que l’adulte comprenne et s’en aille montre que celui-ci sait « prendre du champ » et concevoir des rapports indépendants non fondés sur le droit et la peur, le permis et l’interdit. C’est déjà quelque chose.

Je connais par cœur tous les refrains qui reprennent le thème de « l’erreur psychologique [consistant à avoir] une attitude égalitaire avec l’enfant et à n’user jamais de sanction » (Schmid dénonçant la pédagogie du maître-camarade au début du siècle).

Je ne réponds plus. Je te regarde. Tu es très belle. Tu as presque quatorze ans. Tu rêves dans ton hamac. Tu sembles aller bien. Ceux qui défendent la discipline et l’école ont de sales trognes tristes. Ça ne leur a pas tellement réussi l’apprentissage de la peur. Elle domine leurs jugements. Ce sont les mêmes, forcément, qui réclament plus de policiers. Ils ne conçoivent la vie que disciplinaire avec des écoles pour apprendre à se taire, des casernes pour apprendre à obéir, des prisons pour apprendre à mourir.

La vie ainsi se décompose dans l’impossibilité d’une confiance. C’est ce climat paranoïaque qui suinte de l’institution scolaire. Étrangement,