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CONTRE LA TROUILLE


En réalité, Marie, avant de concevoir toutes les bonnes raisons qu’on a de ne pas mettre les enfants à l’école, j’ai agi spontanément, comme d’instinct, pour t’éviter de vivre toute ton enfance dans la peur.

À l’école, on a peur.

Comme à l’armée, à l’hôpital, au tribunal. Peur des malheurs et douleurs qui peuvent arriver. Bien sûr, on peut être plus ou moins brave et surtout plus ou moins menacé.

À la mère dont le petiot hurle au premier jour de la maternelle, on dit : « Il va s’habituer. » C’est effectivement ce qui se passe. On s’habitue. La plupart oublient même qu’ils ont eu peur, qu’ils s’y sont accoutumés. Le pli est pris. Ils ont peur toute leur vie, ne savent plus de quoi. C’est là que réside l’atrocité de la souffrance obscure.

Certainement, avant l’école, existe déjà l’oppression du monde. L’enfant, faible, se heurte à la violence de l’adulte et de ce que permet l’adulte. Il fait l’expérience, avant d’en avoir conscience, du manque absolu de liberté et de tous les manques qui en découlent. D’où, d’ailleurs, son évidente supériorité sur nous : il désire la liberté. Pour l’enfant, la liberté s’identifie au futur. En cela, il est tout à fait juste d’assurer que l’enfant est un être de désir. « Je ne peux pas, je pourrai », dit-il, et nul ne semble s’apercevoir que se trouve concentrée là toute l’énergie de l’espérance qu’épouse la volonté.

La dépendance où il se trouve peut — c’est mon acte de foi — se vivre dans une inquiétude qui ne soit pas une panique. Je savais que je ne pouvais empêcher la peur de t’atteindre ni de te meurtrir, mais j’ai essayé