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éducation globale visant à former de futurs citoyens responsables, prêts à contribuer au développement et au rayonnement de leur pays.

« […] L’ambition de former des citoyens responsables suppose donc que soit engagée une collaboration entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Défense, aux points de rencontre de leurs missions respectives et au service de cette ambition globale. »

On se réjouit d’apprendre que « les actions permettant aux élèves, dans le cadre des activités éducatives, d’obtenir une information directe, dans les unités, sur la vie des armées ou d’entrer en contact avec des militaires du contingent ou d’active seront développées »(II, 2, 3).

J’ai déjà fait allusion à l’excellent ouvrage de Philippe Meyer[1] qui montre l’enfant face au contrôle social. Ainsi tu vois l’armée, la police et l’école « encadrer la jeunesse » et prendre en charge les élèves. (Au niveau des ministères, tu noteras qu’en revanche le secrétariat d’État à la Culture n’est pas concerné par la scolarité de l’enfant et, de fait, la « culture » est bien le dernier souci de l’Éducation nationale !)

Cet encadrement dont je parle maintient aussi en toile de fond certaines formes de la famille, laquelle dépend d’eux. Barère, à la Convention, a dit les choses une fois pour toutes : « Les principes qui doivent diriger les parents, c’est que les enfants appartiennent à la famille générale avant d’appartenir aux familles particulières. Sans ce principe, il n’y a pas d’éducation nationale. » Meyer montre parfaitement que l’autorité parentale est « un instrument distribué par l’État et que l’État peut donc reprendre ».

Les parents reçoivent des allocations à la mesure de leur soumission à certaines règles du comportement (ceux des écoles parallèles n’étant pas moins que d’autres sensibles à ce chantage). On achète ainsi le silence de la famille qui accepte qu’on fiche son enfant, qu’on lui fasse apprendre n’importe quoi, qu’on le collectivise et l’isole, qu’on lui fasse peur, qu’on le séduise, qu’on le punisse.

La gauche traditionnelle râle (et encore !) contre une école qu’elle ne peut pas ne pas juger ségrégative, mais il va de soi que le parti communiste freine des quatre fers dès qu’on s’interroge sur les prérogatives de l’État. Il y a belle lurette qu’il a « oublié » ce passage de la Critique du programme de Gotha où Marx s’indigne de « la folie qui consiste à confier l’enfant de l’exploité aux bons soins de l’exploiteur ». Quant aux partis socialistes, ils pourraient à la rigueur concevoir que l’État prenne en

  1. L’Enfant et la raison d’État, op. cit.