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N’importe qui pourrait accéder aux facultés et à tout ce qui devrait fort à propos les remplacer. Craindrait-on, par extraordinaire, qu’il n’y ait trop de monde ? Si l’on supprimait les diplômes, gageons qu’on ne se bousculerait pas aux portes…

Tout le monde sait que les diplômes n’ont ordinairement aucun rapport, même lointain, avec la qualification qu’on demande pour un emploi. Pour un travail réclamant telle ou telle compétence, le désir de réussir et une période d’essai ne seraient-ils pas des gages plus sérieux que le casier scolaire ? Nous connaissons tous des gens qui seraient profondément heureux de pouvoir en former d’autres autour d’eux à ce qu’ils aiment faire.

Mais ne comprend-on pas que cela nous est rendu impossible dans la très exacte mesure où l’on nous oblige à vivre l’enseignement sur un mode scolaire et uniquement ?

Encore une fois, en te gardant de l’école, c’est moi aussi que je défends contre le rôle qu’on voudrait me forcer à jouer, mais aussi tous ceux, grands et petits, qui ont envie de nous apprendre quelque chose, à qui je reconnais cette liberté-là.

L’obligation scolaire n’est pas, bien sûr, l’obligation d’apprendre mais d’apprendre à l’école. Pourquoi ce temps de six à seize ans ? Et pourquoi cet espace divisé en des classes et une cour ?

De six à seize ans, c’est clair et personne ne s’en cache, « parce que l’esprit de l’enfant est malléable », c’est toujours cette idée de la cire molle qu’il faut marquer d’un sceau. Les diplômes font de l’esprit scellé une lettre qu’on peut envoyer dès lors à son employeur destinataire. Quant au lieu… « Qui vit en classe vit nécessairement dans un lieu commun[1]. » Edmond Gilliard dit bien d’autres belles évidences. Lieu commun de la banalisation et d’un dispositif de contrôle que Michel Foucault a décrit avec perspicacité. Avant même de former l’esprit, on forme le corps qui doit se lever, s’asseoir, manger, chier, pisser, dormir aux heures convenues.

Il y a deux ans, un prof de philo s’est fait suspendre de ses fonctions. Dans le rapport que la directrice a remis à qui de droit, on lit : « Il a incité les élèves à demander une liberté totale de mouvement dans les classes, dans les clubs, les couloirs, en ville, sans surveillance, sans souci de la sécurité des élèves et de la sauvegarde des locaux et du matériel[2]. » Je

  1. L’École contre la vie, Edmond Gilliard, Delachaux et Niestlé, 1970, souligné par l’auteur.
  2. Cf. Chronique des flagrants délires, Jean-Pierre Blache, diffusion Alternative, 1981.