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Je salue en passant les kamikazes qui ne l’ont pas fait, mais la plupart d’entre nous se sont « couverts », juridiquement parlant. C’est simple comme tout. Dans le mois qui précède la rentrée scolaire d’un enfant âgé de six ans, on déclare au maire et à l’inspecteur d’académie que l’enfant sera instruit à la maison. Quelques-uns donnent des raisons (on peut les inventer), moi aucune. L’inspecteur est tenu d’accuser réception en envoyant aux parents un certificat. Les allocations familiales sont alors versées normalement puisqu’on est « en règle » avec la loi sur l’obligation scolaire.

Ne t’inquiète pas, petite ; l’assemblée rose ne prendra pas prétexte de la publicité que je donne à cette loi offerte aux objecteurs et objectrices de conscience. Elle n’en a rien à faire : en France, 99 % des enfants de cinq ans, 95 % des enfants de quatre ans, 85 % des enfants de trois ans[1] vont à l’école alors qu’elle n’est pas encore pour eux obligatoire !

Ah ! la maternelle ! Proprette et gaie où les enfants s’amusent et chantent et font des rondes… 85 à 99 % des petits enfants suivent le joueur de flûte, petit troupeau de rats qu’on emmène au désastre.

Dans une circulaire du 7 décembre 1982, le ministre de L’Éducation nationale consacre son attention aux tout-petits. Et l’on peut lire cette phrase scandaleuse : « […] L’école maternelle pourrait ainsi mieux assumer son rôle de pivot éducatif, c’est-à-dire de base d’organisation de la vie de l’enfant, à l’école et hors de l’école […]. » (C’est moi qui souligne.)


Ça va peut-être encore mieux en le disant, ce n’est pas parce que nous n’avons pas été heureux à l’école que nous voulons en sauver nos enfants, mais parce que nous avons pris conscience qu’on s’était servi de notre jeunesse à des fins mercantiles de rentabilisation de notre société. Qu’on ne nous répète pas alors, de grâce : « Mais vous savez, ce n’est plus comme de votre temps ! C’est très joli et gentil. » Ce n’est pas la question.

Marie, si tu savais comme cela m’a affligée d’entendre tant de fois tant d’années tant de gens différents m’assurer que « les enfants sont heureux à l’école ». Je le sais bien ! J’en étais le plus bel exemple ! Le petit

  1. « Les rôles des femmes en Europe dans les années 70 », Évelyne Sullerot, dans Le Fait féminin, Fayard, 1978.
    * En 2003-2004, 28,8 % des enfants de deux ans sont scolarisé-es, et 100 % des enfants de trois ans selon l’INSEE. (Les exceptions doivent être tellement exceptionnelles qu’elles ne rentrent même pas dans les statistiques… Cela dit, un certain nombre d’enfants inscrit-es en maternelle y vont plus ou moins régulièrement, voire plus du tout après quelque temps.)