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et dicible pour peu qu’on tentât de s’en expliquer. Mais il ne faut pas cacher que nous avons eu davantage l’occasion de faire face à des injures qu’à des discussions.

Solitaires dans nos choix, la plupart ne désirions pas pour autant demeurer isolés. Quelques parents restèrent à l’écart de tout ce qui pouvait ressembler à un groupe. D’autres s’unirent. C’est Jules Chancel, de la Barque, qui le premier osa parler d’adultes et d’enfants associés dans une tentative commune de vivre des rapports nouveaux. L’idée maîtresse est demeurée très éloignée de ce que sont devenues par la suite les écoles parallèles, les apprentissages étant les dernières de nos préoccupations ; ce que nous avons voulu, c’est sortir des rôles parents-enfants, enfants-adultes, hommes-femmes. Chacun a essayé de vivre avec les enfants et les adultes qui l’entouraient et avec son propre enfant autre chose que ce qui était prescrit par la norme sociale.

Ne pas envoyer son enfant à l’école implique à l’évidence qu’on remette en cause la famille, le travail, la politique. Ceux qui ont choisi l’association dans des lieux anti-scolaires ont presque tous été tentés, si ce n’est de vivre en communauté, du moins de réviser l’idée de « maison ».

Beaucoup de secousses personnelles et collectives, mais toujours cette idée resta primordiale qu’on ne pouvait vouloir une autre vie pour les enfants sans une autre vie pour nous. Ce besoin de voir les choses globalement, depuis une naissance sans violence jusqu’à une mort sans hypocrisie, est sans doute ce qui a été le plus vilipendé par nos détracteurs : la preuve que nous étions des fous utopistes, c’est que nous voulions tout changer.

Un peu qu’on voulait tout changer ! Ce que la société a fait de nous est un sujet de méditation palpitant sans doute, mais qui l’est moins que de chercher à faire quelque chose à partir de notre dégoût.

On ne fait pas de la résistance, comme ça, sur un coup de tête, d’enthousiasme ; on s’y retrouve quand il le faut comme nécessairement mené par sa propre cohérence. Certains s’imaginent être dans l’opposition qui refusent tel ou tel gouvernement. On a pu voir en effet qu’avec la gauche les enfants avaient enfin droit à des sucettes roses chaque matin, alors que sous la droite impitoyable ils devaient se contenter de ravaler leurs larmes ; les professeurs sont délivrés de tout mal depuis qu’ils sont majoritaires à l’Assemblée, ils s’achètent des casinos, des usines et font tous les jours la fête.