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faire mes courses, de me laver, de jouer, d’écrire. C’est toujours ce qui a l’air très compliqué qui est très simple. Et inversement.

La force qui nous écrase tranquillement, sous tous les régimes, n’est que notre assentiment à cette force. Seulement voilà : il n’est pas exclu que nous soyons quelques-unes et quelques-uns à rire doucement comme ça arrive quand on s’est creusé la tête en vain pendant plusieurs jours et qu’on découvre l’invraisemblable facilité de la solution du problème. Il suffisait d’y penser.


Résumons-nous : l’école fait du gardiennage d’enfants (les surveille pendant que les parents travaillent), leur fait apprendre ce qui est utile au roulement de la machine socio-économique, leur inculque la soumission, opère la sélection, distribue les rôles.

Et aucune de ces perspectives ne me convient.

Je veux bien croire que la pédagogie soit l’un des « grands problèmes de notre temps », c’est-à-dire de ceux qui engraissent une masse de gens. Ça doit leur faire de la peine, aux techniciens de l’éducation, qu’on soit un petit nombre à penser les mettre froidement sur la paille – en période de crise ! Les éducateurs qui viennent faire leurs trente-neuf heures ne reculent jamais devant la proclamation de l’amour, du respect des enfants (surtout quand ils ont à s’occuper des rejetés) et trouvent lamentable que je me moque si éperdument de leurs fiches de paie. Plus ils veulent « changer le système » et plus ils me semblent grotesques : ils ne critiquent même pas le salariat ; ils ne voudraient quand même pas que je m’émeuve devant leur amour rétribué, non ? !

La sale petite vie qu’on t’aurait imposée à l’école n’est pas marrante. Et ce n’est pas, comme le prétendent quelques optimistes, qu’une période limitée de la vie. Parce que c’est vrai que le dressage est efficace : ces élèves gentils, disciplinés, polis et souriants seront presque tous, adultes, des trembleurs qui ramperont sans jamais faire d’histoires. Combien d’enseignants malheureux sont prêts cependant à fondre devant un élève un petit peu respectueux et à le porter aux nues. Dans ces sourires de défense tout le monde est piégé. Je ne prône ni la barbarie ni la révolte, encore moins la grossièreté dans les rapports. Je dis qu’il n’y a aucune attitude vraie possible au sein d’une école, d’une caserne. Les rapports institutionnalisés entachent de surcroît tout ce qui serait tenté contre eux. Être contre est encore un esclavage. Il faut être hors de.