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fois tous les autres Schmid du monde) qui assène cette forte pensée. Parmi ceux qui en ricanent, je parie que beaucoup ne s’y rallient pas moins. Les jeunes sont « insensés », les jeunes ne savent pas se fixer de règles, bref les jeunes hésitent encore avant de basculer dans le dérisoire, etc., etc. Ce serait un fait de nature, en somme. On ne connaît pas encore bien la fonction du thymus, cette glande qui régresse à la fin de la puberté, mais elle ne semble pas, a priori, sécréter la trop fameuse « inconscience des enfants » ; elle permettrait plutôt de grandir, de prendre des forces. M’est avis que les violentes perturbations qui amènent le petit à taire ses désirs et accepter le pis-aller jusqu’au pire ne viennent pas d’une mystérieuse donnée biologique !

A. S. Neill assure que « l’enfant a une sagesse et un réalisme innés », on peut assurément ergoter sur le sens de chacun de ces mots mais je comprends, il me semble, ce que Neill veut dire : l’enfant sait où il en est. Toujours, même bébé, tu coïncidais exactement avec ton intention. En vieillissant, nous devenons tordus. Les quelques sages que je connais, ces gens simples pour qui oui est oui, non est non, ont gardé cette im-médiateté qu’évoque Neill et que la plupart d’entre nous ont perdue. Ce réalisme-là ni cette sagesse n’ont évidemment quoi que ce soit à voir avec l’acceptation du médiocre, j’ai dit au contraire combien l’enfant était rêveur, créateur ; il n’accepte pas le monde, il le prend. Certains vieux n’agissent pas autrement, n’ayant plus rien à faire des règles. Mais on voit alors combien ceux qui ont su aller jusque-là sont méprisés. Il n’est jamais bien vu d’être redevenu comme un petit enfant.

Je ne crois pas, je le répète, que les enfants soient supérieurs aux adultes, je dis simplement qu’en vieillissant nous multiplions les risques d’entrave sociale. Les enfants eux-mêmes ont forcément plus de chances de développer leurs capacités quand leur temps n’est pas dévoré par les servitudes scolaires. L’oisiveté, Marie, est la mère de toutes les idées. C’est parce que la peste obligea l’université de Cambridge à fermer en 1665, que Newton, à vingt-deux ans, eut tout le loisir de se promener sous les pommiers. Il fut ravi, dit-on, de pouvoir rester dix-huit mois chez lui pour réfléchir au lieu de suivre des cours.

Fred M. Echinger, à propos de Summerhill, se demande si « un enfant livré à lui-même, sans suggestion de la part de l’adulte, développe de sa propre initiative tout le potentiel qui est le sien[1] ». Echinger fait par ailleurs

  1. Pour ou contre Summerhill, Petite bibliothèque Payot, 1978.