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même volonté de mettre les êtres dans les petites cases prévues : l’enfant joue, l’adulte travaille. On peut rapprocher point par point cette attitude de celle qui consiste à dire : « Pourquoi faire de la femme l’égale d’un homme ? Une petite femme féminine, c’est tellement agréable… » Mais il ne s’agit nullement pour les femmes d’être des « espèces d’hommes », pas plus qu’il n’est intéressant de rêver aux « femmes femmes ». Nous voulons sortir de vos circuits. Une seule solution : autre chose.

L’enfant et la femme ont pour le moment une supériorité : ils sont en marge de ce monde. Ce qui leur donne de la distance, de l’humour, de la colère. Mais cette situation favorable ne leur confère nullement une supériorité intrinsèque : ils ont cette supériorité, ils ne sont pas supérieurs pour autant.

L’enfant, la femme sont enfermés dans ces rôles d’enfants et de femmes. La société adulte et masculine qu’on leur oppose et dont ils et elles ne sont que le faire-valoir n’est pas — qu’on se le dise — leur projet.

Tu es Toi, Marie. Ce présent est ton seul but. Et tout ce qui t’empêche d’être présente à toi-même va à rebours de toi.


Le charme de beaucoup d’enfants vient de ce qu’ils sont immergés dans la vie et la passion. C’est sûr qu’un enfant vivant donne une impression de vie ! On est toujours étonné devant les bébés. Ça gigote, ça gazouille sans se préoccuper de bienséances. On n’en revient pas ! Et puis ils grandissent, ils rêvent. Les enfants rêvent.

Ils rêvent infiniment… Ils bâtissent des mondes, plusieurs mondes. On leur imposera le seul qui soit « reconnu par tous », le monde réel. En manque de leurs rêves, ils s’étioleront, deviendront raisonnables.

Les tout-petits, où s’en vont-ils, tellement ailleurs ?

Ils sont bien aimables de se contenter des nounours, poupées et trains qu’on leur donne. En vérité, ils préféreraient de vrais trains à eux, des animaux sauvages qu’ils apprivoiseraient, des corps à caresser dans des pays sans loi.

Les enfants en leurs rêves sont très solitaires mais ont cette faculté inouïe de pouvoir souvent y faire entrer les autres et de pénétrer eux-mêmes dans ceux de leurs amis sans la moindre difficulté. « Je dirais que je suis dans un avion… » « Alors moi je serais un bandit et je détourne l’avion. » En vieillissant, on ne sait plus partager ainsi ses rêves et les offrir à qui en veut. C’est pourquoi l’art est tout ce qui nous reste. L’enfant ne crée pas son univers par altruisme mais sa passion est