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par l’autonomie matérielle et donc par une production quelle qu’elle soit que ces derniers assureraient ; le travail des enfants n’a pas, disent-ils, à devenir un facteur économique et leur vie ne doit, en aucun cas, être l’anticipation de la vie adulte.

Les obligations des grandes personnes n’offrent aucun intérêt en effet ; toute la vie « active » baigne dans le sordide et il n’y a nulle urgence à y faire plonger les mômes. S’arranger pour que les petits vivent la vraie vie ne saurait signifier d’aucune façon la vie de « production-consommation ». Éviter le sacrifice scolaire, c’est bien, éviter tous les autres, c’est mieux.

Il ne s’agissait pas, pour les maîtres de Hambourg, de s’attaquer à la pédagogie ancienne ou moderne mais à n’importe quelle pédagogie. Ils ont refusé à l’éducation, comme je le fais, toute mission. Il n’y a aucun dessein acceptable de la part de l’éducateur. Dans leur esprit, les anti-écoles qu’ils animaient étaient des lieux où on laissait croître les enfants en leur fichant la paix.

Je suis loin comme tu vois — et je m’en montre tout à fait ravie — d’être la seule à m’élever contre cette idée communément admise que l’adulte est le but de l’éducation. L’enfant ne serait rien que l’objet de cette opération, il n’existerait qu’en tant qu’être éducable. Il ne pourrait être sujet. Il est convenu une fois pour toutes que le môme est l’argile que la société potière malaxe et forme. La famille, plus globalement et dans des rituels affectifs particuliers, puis l’école, par la force, façonnent celle ou celui qui sera à même de répondre à la demande sociale. C’est contre ce reniement de l’être parce qu’il est enfant, Marie, que je me suis dressée.

Je pourrais citer des pages de Bruno Bettelheim, de Janusz Korczak, de bien d’autres encore qui ont gueulé et gueulent contre cette réduction formelle de l’enfant à une esquisse.

Très bizarrement, ceux-là mêmes qui contestent notre position ne se gênent pas pour soutenir que, l’enfance étant un monde à part qu’il convient de protéger, « il ne faut pas la voler aux mômes » ; ceux-là défendent un monde enfantin et nous reprochent de faire des enfants de petits adultes. En acceptant ces deux mondes séparés, ils renforcent l’idée de l’éducation comme passerelle entre les deux.

L’enfant n’est pas encore assez conforme à ce que la société attend de ses membres. Ce qui lui manque ? Le polissage du temps. Mais pour moi, je n’ai pas plus à « protéger ton enfance » qu’à « te permettre d’entrer aguerrie dans la vie adulte », car j’identifie dans cette double attitude la