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pour discerner la différence de cris entre des enfants qui jouent de bon cœur et des enfants qui jouent des nerfs. La plupart des adultes voudraient que l’enfant fasse joujou « pour » se détendre. La récréation est par excellence la « reconstitution d’une force de travail ». Les classes où l’on se divertit pendant les cours ont mauvaise presse auprès des parents ; les éducateurs qui bossent dans certains centres médico-psycho-pédagogiques n’en peuvent plus de se faire houspiller par les parents : « C’est pour rattraper son retard que notre enfant est là, pas pour danser ou shooter dans un ballon ! »

Toujours la police et les juristes ont été les alliés efficaces des enseignants. Et notamment pour empêcher les enfants de s’amuser. (Ça ne date vraiment pas d’aujourd’hui : on peut voir au musée des Arts et Traditions populaires une affiche du 27 mars 1752 qui porte cette ordonnance : « Défense aux maîtres des jeux de paume et de billard de donner à jouer pendant les heures de classe… » )

Le jeu est suspect. Dans le même ordre d’idée, il est inquiétant de voir comme on rogne les grandes vacances des élèves. On se méfie de ce temps libre. Le temps qu’on ne passe pas à travailler est dangereux.

Étrangement, le jeu est assimilé à l’oisiveté. Il va de pair avec le vice, tout le monde sait ça. Les jeux admis par les adultes apparaissent passablement louches.

Dans la confusion générale actuelle, on aura noté la tendance aux « jeux éducatifs » dont le moindre n’est pas, dans les « écoles de pointe », cette vogue des « conseils d’enfants » où des mômes autogèrent ce qui peut s’autogérer de leur triste condition scolaire. Pourtant Dieu sait comme les mômes ont horreur des « réunions » !

La modernité voudrait que le travail soit un jeu et le jeu un travail. Les jeunes loups d’aujourd’hui s’amusent comme des fous à gagner beaucoup d’argent qu’ils dépensent, sinistres, pour occuper leurs assommants loisirs.

Les contestataires de l’école ont pas mal disserté sur le jeu. Neill estime que si les enfants le préfèrent au travail, c’est qu’ils peuvent y faire intervenir leur imagination. Mais je suppose que les chercheurs, en science comme ailleurs, ont besoin de leur imagination aussi pour travailler. À l’opposé, Kameneff ne voit dans le jeu que la pilule qui permet de « faire passer le temps », un succédané donné aux enfants « pour qu’ils trompent leur faim de participer réellement à la vie ». Il estime qu’à l’École en bateau, l’enfant créateur remplace l’enfant joueur :