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nombreuses victimes. On a si peu de temps. Non seulement on nous l’arrache pour faire tourner la folle machine, mais ce qu’il en reste est reconverti par l’industrie animatrice en un énorme dégoûtant hamburger.

Quoi de plus personnel que le temps ? Disposer de mon temps, c’est disposer de ma vie. Dans le langage le plus commun, être libre, c’est avoir du temps à soi.

Le temps de l’enfant est un temps magique ou plutôt un temps sorcier dont l’adulte n’a plus la moindre notion s’il n’a pas la curiosité par exemple de prendre parfois des substances dites hallucinogènes. Je suis persuadée quant à moi que le tout petit enfant est dans un état de conscience très proche de l’état psychédélique, très proche par ailleurs du rêve. Rien ne me dit que notre approche habituelle si réductrice de la réalité soit plus près d’une quelconque vérité. Mais il est inutile ici de parler aux pierres.

Je veux dire simplement qu’il y a chez le petit une amplitude du temps qui ne peut se comparer à la nôtre, déjà bien trop marquée par l’approche de notre mort. J’ai cru longtemps que le temps de l’enfant était plus lent que le nôtre et que trois jours valaient pour lui une éternité, mais j’ai constaté près de toi et près des enfants déscolarisés « qui jouent tout le temps » que ce n’était pas si simple. Toute petite tu me disais que les jours passaient « très vite » ; à chacun de tes anniversaires jamais tu n’as manqué de t’exclamer « déjà ! ». Quand un enfant joue, tout le monde sait qu’il laisse facilement « passer l’heure » de s’arrêter…

Le souvenir du long temps de notre enfance, c’est tout bêtement le souvenir de notre long ennui.


Des spécialistes ont été amenés à étudier le degré de tolérance de l’enfant au… travail ! Certains pédiatres en effet ont commencé à s’affoler de ce que 20 % de leur clientèle souffrît de « problèmes dûs à la scolarité ». Responsable du service de pédiatrie de l’hôpital d’Orsay, le Dr Guy Vermeil a souligné à plusieurs reprises l’urgence d’une réforme des rythmes scolaires : « Sur trente élèves, plus de la moitié sont en état de surtension ou de marginalisation, ou travaillent dans la morosité, la mélancolie ou l’ennui. » Des tests biologiques fondés sur l’étude de l’élimination de certaines hormones selon l’état de fatigue ont fait l’objet de plusieurs analyses concordantes. En janvier 1979, le Conseil économique et social a examiné le problème de la réforme des rythmes scolaires. Deux questions seulement ont été jugées essentielles : « Peut-on procéder à un étalement