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Schmid atteint des sommets lorsqu’il se réfère à « monsieur Freud, fondateur d’une théorie psychologique moderne », qui voit dans l’homosexualité une « fixation de la libido à des formes affectives enfantines ». Schmid ne s’embarrasse pas de subtilités ; les maîtres-camarades, en optant pour une attitude libertaire, étaient infantiles, la preuve : « Ils affirmaient la nécessité de rapports d’amour avec les enfants. » Dès lors, sa démonstration est facile : l’éducation libertaire est une « aberration infantile ». (Cette analyse pénétrante ne te rappelle rien ? Ne croirait-on pas par exemple un article sur l’affaire du Coral[1] ?)

Les derniers mots de son livre permettent un éclairage bien cru sur les idées — tout à fait actuelles — qu’il défend : « Surtout [l’éducateur] doit aimer l’enfant non seulement pour ce qu’il est, mais davantage encore pour ce qu’il est capable de devenir. [L’amour pédagogique] fait donc de l’éducateur non pas un camarade de l’enfant, mais son ami — plus précisément : l’ami du “meilleur moi” de l’enfant[2]. »

Ce que des gens comme lui ne pourront jamais comprendre, c’est qu’on peut parler d’amour sans avoir en tête de baiser ou de se laisser baiser et qu’on peut aussi faire l’amour sans se poser des questions d’employé de mairie sur le sexe ou l’âge de ceux et celles qu’on aime. La vie est simple ; la vie n’est pas simplette.

Ce qui semble à ces messieurs équivoque chez ceux qui aiment les enfants avec qui ils ont choisi de vivre, ce peut être éventuellement la pédérastie mais, en fait, c’est plutôt rare. L’équivoque pour eux réside simplement dans le fait de pouvoir considérer l’enfant comme un être à part entière. On ne devrait pas. Tomkiewicz, dans l’avant-propos du livre de Korczak, Comment aimer un enfant, brocarde certains psychologues et analystes qui, « dès qu’ils entendent parler d’amour dans une relation thérapeutique ou pédagogique, […] vous accusent d’avoir plein de motivations, de pulsions inconscientes et sombres », et Tomkiewicz d’ajouter que leurs soupçons ne sont d’ailleurs pas délirants, sinon ceux

  1. * Le « Coral », un lieu de vie se réclamant de l’antipsychiatrie, créé en 1977 par Claude Sigala, fut accusé en 1982 d’alimenter en enfants et jeunes handicapé-es un réseau de pédophiles. Le scandale, gigantesque, éclaboussa diverses personnalités politiques. Sigala, qui défendait publiquement la possibilité de relations amoureuses ou sensuelles avec des enfants ou des handicapé-es, fut incarcéré pendant plusieurs mois et traité avec ignominie par l’ensemble des médias. Il fallut attendre 1989 pour que l’accusation de pédophilie soit classée sans suite — et cette fois dans le plus grand silence médiatique. Ce scandale signifia l’arrêt en France, non pas des relations pédophiles, mais de toute réflexion libre sur ce sujet.
  2. Le Maître-Camarade et la pédagogie libertaire, op.cit.