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Dans les lieux où adultes et enfants ont tenté de vivre une autre vie, fondée sur le refus des autorités (qu’elles vinssent des petits ou des grands), l’amour a forcément été au centre de la théorie et de la pratique. Que n’a-t-on dégoisé là-dessus ! « On savait déjà que ça n’était pas bien sérieux, mais si, en plus, c’est pervers et polymorphe !… » écrivait Jules Chancel, railleur devant toute la littérature consacrée aux anti-écoles. Faux problème que celui de la pédophilie, dès lors qu’on se refuse à distinguer ce que serait une majorité sexuelle et qu’on estime donc tous les enfants « assez grands » pour savoir avec qui ils ont envie d’avoir des relations. Faux problème mais vraies tracasseries. Bien des lieux de remise en question des rapports adultes-enfants se sont cassé la figure et en tout cas la tête là-dessus. Non parce que ces espaces seraient une « réserve d’enfants » bien tentante pour les pédophiles, mais parce que des gens qui veulent soustraire les enfants à l’école ne peuvent penser qu’en termes d’amour et de liberté.

La question de savoir si des pédophiles profitent de ces lieux parce que les parents sont supposés « cool » mais surtout parce que des mômes à qui on fout une certaine paix sont alertes, beaux, perspicaces, bref qu’ils ont du charme, ne me semble pas un sujet de réflexion fort passionnant. Profiter de cette aubaine n’est, a priori, pas plus ni moins répugnant que profiter, quand on est prof, de la curiosité intellectuelle des mômes pour leur faire ingurgiter n’importe quoi. Selon les degrés de la filouterie et de la complicité des filoutés, les choses sont légères ou lourdingues. Mais je n’ai rien à dire là-dessus.

Par contre, il m’intéresse infiniment de voir combien, dans une perspective de considération réelle d’un être particulier différent de tous les autres, quel que soit son âge, la relation, dès qu’elle existe, ne peut qu’être bouleversante. De fait, l’amour chavire grands et petits sans se préoccuper du sexe ni des années, et ce qui est vrai dans ces lieux de rejet de l’école l’est dans tous les autres, antipsychiatriques, communautaires, etc., où l’on a refusé la normalisation — du moins tant qu’on la refuse. N’importe quelle association de gens qui se font confiance provoque à l’estime, à l’affection, à la liberté. Comment les histoires d’amour n’y écloraient-elles pas ?


Chaque fois que des adultes ont désiré vivre des rapports authentiques avec les enfants, ces rapports ne pouvaient qu’être « désocialisés », sinon « asociaux », bref uniques. C’est pourquoi tu comprends que j’aie