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couramment d’être battu ou (et) de supporter une scène qui durera de quelques semaines à quelques années.

Je n’ai pas l’intention de te parler plus longtemps des lois ni de ce qu’il faut en savoir pour les retourner contre l’adversaire. Un guide pour les dix – dix-huit ans, très bien fait, offre des informations, des astuces, des idées, mais surtout une intelligente complicité à celles et ceux qui veulent voir par eux-mêmes avant que d’obéir aux consignes ; Ni vieux ni maîtres[1] ne donne pas l’itinéraire, c’est une carte précise, on en fait ce qu’on veut.


Libération sexuelle ou pas, demeure l’idée que l’amour corrompt la jeunesse. Dans l’esprit de plus d’un, le sexe est de l’ordre des saloperies. Il convient de préserver les enfants des turpitudes adultes. Les humains « bien élevés » ont connu la honte avant l’amour. Honte de quoi ? Ils ne savent. Péché originel, subséquemment feuille de vigne. Vieux mythe passionnant : d’avoir goûté aux fruits de l’arbre de la connaissance fait que l’homme, devenu rival de Dieu, perd son innocence.

L’enfant ne sait pas, il est donc innocent, décrètent les vieux qui, par « innocent » entendent « irresponsable et demeuré ». Il faut garder la jeunesse du vrai savoir (alors on lui donne du savoir « placebo » pour canaliser ses curiosités) afin qu’elle ne rivalise avec ses aînés que sur des sujets sans grand intérêt.

Les lois contre l’amour n’ont jamais protégé les jeunes (celles contre les violences seraient les seules conséquentes si les lois avaient jamais servi à quoi que ce fût). Elles ne sont qu’une tentative des adultes de retarder le plus possible le moment où l’enfant découvrira la vérité sur l’absurdité de l’autorité parentale et sur la fameuse honte, pauvre secret des corps malheureux ; car celui qui aime d’amour se découvre comme un être n’ayant de comptes à rendre à personne. Il est libre. Et l’aimé le délivre de toute honte archaïque.

Mineurs, majeurs, ces distinctions sont scandaleuses. Nous savons tous très bien qu’il y a les crétins et les autres, et que l’âge jamais n’a donné plus de cervelle à quelqu’un. Le savant et écrivain allemand Lichtenberg (1742-1799) que j’ai pris plaisir une fois ou l’autre à citer est tombé passionnément amoureux d’une petite marchande de fleurs ambulante. Elle avait douze ans, il l’installa en maîtresse chez lui. Que

  1. Ni vieux ni maîtres, Claude Guillon et Yves Le Bonniec, Alain Moreau, nouvelle édition, 1984.