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présenté un rapport sur les difficultés scolaires au congrès de l’Association des pédiatres de langue française[1]. Alors que l’école a pris une place « démesurée » dans la vie sociale, le système scolaire « ne profite – statistiques officielles à l’appui – qu’à 30 % des élèves […]. Les 70 % d’élèves restants se répartissent en deux moitiés, une moitié de “suivistes”, de “pourrait mieux faire”, qui ne tirent en définitive que peu de profits des dix ans qu’ils passent à l’école et au collège. Pour l’autre moitié, c’est-à-dire pour un bon tiers de la population scolaire, c’est l’échec total ».

MM. Vermeil et Lévine jugent que la scolarité obligatoire est « catastrophique » : « Elle donne à l’institution scolaire le temps d’effectuer un travail de destruction complète de l’individu. » Ces spécialistes notent aussi que c’est dans les 30 % qui ont eu le moins à souffrir de l’école que se recrutent les cadres de la nation et notamment les enseignants qui restent de ce fait « imperméables aux critiques qu’on peut faire au système éducatif ».

Il n’y a aucune réforme de l’enseignement recevable. Même des gens comme Jean Foucambert qui consacrent leur vie à la défense de la noble institution en arrivent à écrire : « On ne peut pas dire que l’école alphabétise mal : ça fait plus de cent ans qu’elle perfectionne ses méthodes. On en est arrivé aujourd’hui à une sophistication incroyable dans une voie de plus en plus fausse[2]. »

La lecture ou les mathématiques sont les deux apprentissages qui causent le plus de dommages irréversibles. Pourquoi ? Parce que ce sont ceux sur lesquels on insiste le plus ; normal qu’ils comptent le plus de dégoûtés. Lire… Un enseignant dont j’ai déjà parlé s’était mis en tête qu’on pouvait faire de la philo en lisant et discutant. J’ai sous les yeux son rapport d’inspection (cet ami proposait à sa classe une discussion sur le Manifeste du parti communiste) : l’inspecteur constate que le professeur « dégage clairement les idées principales du texte » et « explicite progressivement les concepts utilisés » ; il poursuit : « Toutefois, je regrette vivement, qu’au nom d’une démarche pédagogique se voulant totalement non directive, il n’ait pas cru bon de développer ensuite une véritable leçon, substantielle et structurée. Il a choisi, tout au contraire, de laisser les élèves seuls devant le texte de Marx, et de leur confier la tâche de réaliser eux-mêmes un bilan et un résumé de la discussion

  1. Cf. « Des enfants normaux aux écoliers anormaux », dans Le Monde du 3 juillet 1981.
  2. Cf. Le Nouvel Observateur du 11 septembre 1982.