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que si la Ruche a tenu une dizaine d’années, c’est que les « maîtres » se payaient de passion pour ce qu’ils faisaient.

Aujourd’hui encore dans le monde, quelques êtres qui contestent l’institution scolaire font enfin redécouvrir à tout un chacun qu’il aimerait enseigner ce qu’il sait. À Porto Rico, Angel Quintero a mené une expérience d’éducation populaire ; il a renoncé aux services des enseignants qualifiés avec lesquels il avait commencé à travailler, s’étant aperçu que les enfants et adolescents qui venaient d’apprendre quelque chose (lecture, montage d’un poste-radio, découvertes scientifiques, botanique, etc.) étaient ravis de transmettre leur savoir à leurs camarades et s’y prenaient bien mieux que les professeurs. Il a obtenu des résultats spectaculaires en confiant à des mômes le soin d’alphabétiser tel ou tel secteur.


Oui, j’en veux à tous ceux qui ne remettent en question que les programmes, ou le niveau, ou les « excès » de la discipline. J’en veux à tous ceux qui s’imaginent qu’ils peuvent, à des gamins obligés d’assister aux cours, enseigner quoi que ce soit. Je reconnais qu’ils ont des excuses. Car celles et ceux qui vont jusqu’au bout de leur critique se font jeter dehors comme des malpropres. Je pourrais faire un autre ouvrage avec tous les témoignages que j’ai reçus depuis dix ans sur les enseignants vidés de l’Éducation nationale. Mais ce qui m’a toujours frappée, dans ces histoires, c’est comment, le plus souvent, cette institution totalitaire crie « au fou ! » quand un enseignant dit ou fait enfin quelque chose de sensé. Dans son livre[1], Gisèle Bienne raconte comment elle parvient au miracle : des enfants heureux de découvrir des choses, elle-même commençant à avoir moins peur de ce métier terrible. À force d’intelligence, elle invente une nouvelle confiance entre elle et les écoliers. Beaucoup d’humilité, d’inquiétude, de tendresse transparaissent au long de ce récit. Dans les dernières pages, on apprend qu’un médecin de la Santé publique chargé des affaires sanitaires et sociales la prie de « prendre rendez-vous avec le psychiatre expert de l’hôpital psychiatrique du département pour un examen médical à des fins d’expertise dans le souci de compléter son dossier ». Quelle élégance ! Bénie soit la bêtise crasse de l’Éducation nationale : la littérature y aura gagné un très bon écrivain.

Le 7 juillet 1981, sous le titre « Le philosophe intenable », Le Monde racontait comment Jean-Pierre Blache, au moment où ses élèves de philo

  1. Je ne veux plus aller à l’école, op. cit.