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spleen mou. C’est comme l’auteur de Barbiana : lettre à une maîtresse d’école. Pas tendre, le bonhomme (il dit se servir parfois contre ses écoliers du martinet), mais maîtres et maîtresses se font fustiger dans son livre avec passion ; c’est bien plaisant à lire et je partage son point de vue au moins sur ceci : « Moi je vous paierais à forfait. Tant pour chaque gosse qui s’en tire dans toutes les matières. Ou mieux encore une amende pour chaque gosse qui n’arrive pas à s’en sortir dans une matière[1]. »


Il y a des profs sympas et intelligents. D’accord. Il y a aussi des patrons sympas et intelligents. C’est moins pénible de supporter sur son dos quelqu’un qui vous ménage (et qui ira plus loin) que quelqu’un qui vous crève. Mais où sont-ils les « profs sympas » qui remettent en question leur fonction ? Luttez, vous qui êtes « de gauche », contre la sélection et continuez à noter scrupuleusement vos élèves.

Et vous qui « faites » du Freinet, cessez de vous donner tant de peine pour recréer des « conditions normales d’existence » en faveur des mômes ; Freinet a été un homme audacieux, sincère et clairvoyant, mais il n’a pas vu à quel point sa démarche de vouloir « remettre l’enfant dans la vie » était artificielle. N’est-il pas quand-même plus simple de laisser l’enfant dans la vie ?

Plus on fait d’études, plus on se « spécialise », plus on rétrécit le champ critique. Les maîtres et maîtresses de maternelle reçoivent maintenant une « solide formation » (!). Ne sont-ils, ne sont-elles pas le fer de lance de l’éducation ? Ils et elles ont une influence terrible sur la « socialisation » des enfants. Est-ce que ça les inquiète ? Pas du tout. Désormais, imbus de leur science, ils apprennent en nouveaux riches à l’enfant comment se faire des amis, désamorcer une colère ou contrôler une discussion.

À aucun niveau, les maîtres ne contestent leur fonction, ce qui ne les empêche pas d’en être malheureux. Les professeurs râlent toujours, on sait bien. Je ne parle pas de ceux qui ne cessent de vitupérer le laxisme et le « niveau lamentable » des classes de baccalauréat. (M. Brunot dépose à la commission d’enquête parlementaire de 1899 sur l’enseignement secondaire : « Pour le grec, dit-il, il est une vérité qu’on ne saurait cacher ; les élèves sortent du collège sans en savoir un mot. Au baccalauréat, depuis que je fais passer cet examen pour mes péchés, je prends systématiquement un texte de Xénophon ou de Platon et, à la deuxième ligne, je m’arrête

  1. Barbiana : lettre à une maîtresse d’école, Mercure de France, 1972.