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connais pas d’exemple qu’une classe « faible » fût devenue « forte ». Évidemment, me répond-on, cela ne pourrait arriver qu’à des individus et non à une classe entière. Je serais d’accord. Mais ce que j’aimerais alors comprendre, c’est pourquoi et comment ce sont des classes entières qu’on manœuvre dans leur ensemble en tant que « bonnes » ou « mauvaises », sans que jamais le nombre d’individus fasse obstacle au maintien d’un niveau donné.

Existe-t-il beaucoup d’enseignants qui entrent pour la première fois dans une classe en se disant : « Tous ceux qui sont ici peuvent être intelligents et heureux d’apprendre. Il suffirait qu’ils soient libres de venir et que l’enseignement me passionne » ? Non bien sûr, un professeur sait, en entrant dans une classe, que les jeux sont faits et qu’il n’est chargé que de maintenir les choses en leur état.

Aucune contradiction d’ailleurs entre ce rôle sans gloire et leur sens de l’autorité. Tu connais la pensée de ton grand-père sur les officiers : ils choisissent non de commander mais d’obéir. C’est vrai de tous les enseignants en général. On a trop souvent tendance à chercher dans leurs manies tyranniques la revanche sur leur enfance humiliée. Les professeurs joueraient les despotes pour compenser un sentiment d’infériorité. L’explication est bêtasse. Peu choisissent l’enseignement pour écraser les petits. Mais beaucoup, par contre, s’engagent dans l’Éducation nationale parce que c’est pépère, qu’on n’y a pratiquement aucune responsabilité.

Que leur besoin de sécurité dégénère en besoin d’ordre et de conformisme est moins lié à une psychologie qu’on aurait du mal à leur voir commune qu’à la conséquence logique d’un système éducatif fondé sur le respect de tout ce qui est établi. Ils ont à « faire passer » cela justement. Quand ils exigent de parler seuls, dans le recueillement, quand ils châtient les rebelles, ce n’est pas qu’ils soient autocrates dans l’âme mais de zélés serviteurs de l’institution qui ne peut fonctionner – c’est sa raison d’être – que dans l’obéissance aux règles.

Serviles et despotiques, ils donnent la pleine mesure de leur petitesse face à l’inspecteur. L’inspecteur ! Tous les enseignants vivent dans la hantise de ses visites et de ses rapports. Il faut les voir alors quémander la complicité des élèves dans la comédie qu’ils donnent. Surtout, ne jamais prendre d’initiative que le grand manitou puisse mal juger ou sanctionner. Mieux vaut respecter les règles du jeu. Être « original » est a priori suspect. Il convient de « faire comme les autres ».

Quand tu étais petite, tes amies se faisaient toujours une grande joie de jouer avec toi « à la maîtresse » ; pauvre écolière victime, tu devais