Page:Baker - Insoumission à l'école obligatoire, 2006.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Insoumission à l’école obligatoire

comme une allumette qu’on protège du vent comme on parle d’un frère unique et fragile qu’on a perdu comme on se parle pour soi seul dites-le mais en dedans imperceptiblement puis dans la rue partout vivez dans la pudeur et dans la force l’étonnement d’un deuil. »)

L’École est une institution protégée par tous les pouvoirs en place. Oh elle change bien sûr ! Comme les formes de l’État qu’elle épouse. Ceux qui nous dirigent aujourd’hui (ou ce qui nous dirige aujourd’hui) exigent (ou exige) de nous d’abord de la dureté ; il faut éliminer les faibles, tous ; après quoi, parmi les forts, il faut briser ceux qui auraient quelque velléité d’être personnels, on a besoin d’hommes inhumains.

À l’école, c’est primaire mais nécessaire de le répéter, on apprend à obéir (instits, profs, pions, conseillers d’éducation, censeurs, proviseurs, tous ont comme première fonction de sauvegarder l’ordre et la discipline). Dans certaines classes, on vise à obtenir des gestionnaires sachant compter jusqu’à deux, alors on peut pratiquer le travail en équipe et tel ou tel simulacre de participation. Mais ce sont des fioritures de papier crépon. L’essentiel est d’ordre disciplinaire, il ne peut en être autrement et c’est pourquoi l’État concède à l’Éducation nationale le premier budget civil de la nation. Qui oserait dire que c’est par respect de la culture se verrait ridiculisé par la comparaison même du budget de ladite Culture avec celui de l’École qui en est nécessairement bien séparé. Tous les ans, quatre-vingt mille Français sachant à peine reconnaître leurs lettres quittent les classes, il suffira de quatre à cinq ans pour qu’ils viennent grossir les rangs des deux millions d’illettrés français. Encore ce chiffre[1] est-il très optimiste. Ceux qui gouvernent nos vies ne sont pas hostiles par principe à la transmission de certains savoirs, simplement ils ont d’autres priorités en ce qui concerne l’éducation nationalisée des enfants. Le problème, c’est que ni toi ni moi n’avons les mêmes intérêts qu’eux à défendre. Tout est là.

Deux solutions : saboter le système ou l’ignorer. J’ai choisi la deuxième ; la première est sans doute possible pour des guérilleros et guérilleras aux nerfs d’acier. Si ça te tente, je ne saurais trop te conseiller de lire quelques numéros réjouissants du journal La Truie qui doute fait par des lycéens. Dans celui de décembre 81, ils exigeaient cinquante élèves par classe ; l’argumentation était la suivante : 1) à cinquante par classe, les

  1. Actualités sociales hebdomadaires du 24 avril 1982.
    * note de Tahin Party : En 2000-2001, 11,6 % des jeunes présent-es à la JAPD (Journée d’appel de préparation à la défense) ont des difficultés face à l’écrit, dont 6,4 % sont en situation d’illettrisme (source ANLCI, Agence nationale de lutte contre l’illettrisme).