Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je disposerai mon corps de manière à ce qu’il entre ; mettez le sac par terre, ouvrez-le et vous verrez.

Le bonhomme Zova était bon. Il met bas son sac, et l’ouvre. Le caïman se roule en rond comme un paquet de cordages sur le pont d’un vaisseau ; il entre dans le sac et dit à Zova :

— Eh bien ! me voilà dans votre sac, bonhomme, partons !

Zova charge le sac sur son dos, arrive au bord de la rivière et jette le caïman dans l’eau.

Lorsque le caïman a bien bu, qu’il s’est bien baigné, le voilà qui a faim. Le bonhomme Zova s’était assis pour se reposer un instant, car il était fatigué d’avoir porté un poids si lourd ; le caïman vient à lui et lui dit en gouaillant :

— Eh vous, bonhomme, j’ai faim, oui ! Je sais que la chair humaine est, pour les caïmans, un manger excellent ; donnez-moi une de vos jambes pour mon déjeûner.

Zova est tout saisi :

— Comment ! moi qui viens de te sauver la vie, tu veux me manger ! Tu n’as pas honte !

— Quelle honte ? J’ai faim, je trouve un bon morceau, et j’aurais honte de le manger ! Vous croyez donc que les caïmans sont bêtes, bonhomme !