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triche préférait la régence de sa fille Marie-Louise qui lui eût donné un contrôle sur les affaires françaises. L’empereur de Russie songeait à un roi de sa main, Bernadotte, par exemple, un des plus heureux parmi les aventuriers de la Révolution, devenu prince royal de Suède par un concours de circonstances extraordinaires et qui avait trahi Napoléon. La Prusse, toute à l’idée de s’agrandir, était indifférente à notre régime, pourvu qu’elle eût une part de nos dépouilles. Alors Castlereagh, qui voulait une France diminuée, mais libre, et non pas soumise à l’Autriche ou à la Russie, fut conduit à penser que la monarchie bourbonienne était seule à remplir les conditions que l’Angleterre désirait, parce que, selon le mot d’Albert Sorel, « ce gouvernement de principes et non d’expédients ne serait ni l’obligé ni le client d’aucun des alliés ». Tel fut le calcul, inconnu ou incompris des Français, par lequel allait se faire une Restauration qu’ils crurent amenée, imposée par l’ennemi, alors que, selon le système d’équilibre de l’Angleterre, elle était destinée à préserver leur indépendance contre l’étranger.

La campagne de France, la plus admirée de toutes celles de Napoléon, fut un chef-d’œuvre inutile. Ses victoires, Brienne, Champaubert, Montmirail, Montereau, Albert Sorel les compare à celle de Valmy : les Alliés hésitaient parfois, se demandaient si ce n’était pas le moment de traiter. Mais, de même que la Révolution avait exigé que l’ennemi sortît d’abord du territoire français, Napoléon voulait la garantie des frontières naturelles, il ne pouvait pas vouloir autre chose et la coalition ne combattait que pour les enlever à la France. « Il faut reprendre ses bottes et sa résolution de 93 », disait-il en février 1814. D’instinct, c’est à la Révolution qu’il se rattachait et il accueillait Carnot, l’ancien collaborateur de Robespierre, resté à l’écart de l’Empire et qui lui apportait son concours. De leur côté, les Alliés n’avaient pas oublié qu’après Valmy, l’envahisseur ayant reculé au-delà du Rhin, la Révolution avait décidé de l’y poursuivre. Cette vision raffermit leur détermination et resserra leur alliance. Après avoir conclu entre elles le pacte de Chaumont, les quatre puissances reprirent l’offensive, résolues à dicter la paix.

Cependant tout croulait autour de Napoléon. Avec ses sol-