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clergé durait toujours, dont la tendance était toujours janséniste, Choiseul obtint de Louis XV que l’Ordre des jésuites leur fût sacrifié. La condamnation de l’Ordre, qui avait en France de nombreux collèges et auquel il fut interdit d’enseigner, fut en même temps une victoire pour le parti de l’Encyclopédie, pour les philosophes et les gens de lettres qui attaquaient la religion et l’Église. Choiseul calcula qu’il flatterait par là, outre les parlementaires, une partie remuante de l’opinion. Choiseul y acquit sans doute une popularité qui lui permit de poursuivre son œuvre nationale, sa réforme de l’armée et de la marine. Mais il ne désarma pas l’opposition. Celle des Parlements contre les impôts reprit, particulièrement violente en Bretagne, dont les états étaient attachés à leurs privilèges, et soutenus par le Parlement de Rennes. Le Parlement de Paris prit fait et cause pour ses confrères de Rennes, pour La Chalotais contre d’Aiguillon, qui faisait office de gouverneur, et il s’ensuivit toute une série d’incidents, de « lettres de jussion », de lits de justice qui se succédèrent de 1766 à 1771. Choiseul qui passait, non sans raison, pour être favorable aux magistrats, tomba au cours de cette lutte. Maupeou fit comprendre au roi que l’opposition des parlementaires devenait un péril pour le gouvernement. En même temps, Louis XV fut alarmé des projets de Choiseul qui, tout à l’idée de revanche, poussait l’Espagne à la guerre avec les Anglais pour y entraîner la France. La chute de Choiseul fut encore un des événements retentissants du règne. Le jour où il fut renvoyé dans ses terres, il y eut des manifestations en son honneur : par une singulière contradiction, la foule acclamait l’homme de cette alliance autrichienne qu’elle avait détestée, l’homme qui venait encore de donner pour femme au dauphin, au futur Louis XVI, Marie-Antoinette d’Autriche.

Le départ de Choiseul fut suivi du coup d’État de Maupeou. On néglige trop, d’ordinaire, cet événement dans le règne de Louis XV. Les Parlements, dont les attributions s’étaient grossies au cours des âges, étaient devenus un obstacle au gouvernement. L’opposition des Cours souveraines, celles des provinces marchant d’accord avec celle de Paris, devenait un grand péril politique. Les Cours étaient allées jusqu’à proclamer leur unité et leur indivisibilité. Elles agissaient de concert,