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adversaire de Napoléon, les Anglais, après notre succès de Port-Mahon, redevinrent maîtres de la mer et purent s’emparer de nos colonies, avec lesquelles nos communications étaient coupées. Malgré une glorieuse résistance, Montcalm succomba au Canada, Lally-Tollendal aux Indes. Une à une, nos autres possessions furent cueillies par les Anglais.

Il est plus difficile de s’expliquer que la guerre n’ait pas mieux tourné pour nous en Allemagne. On se rend compte des fautes militaires que nos généraux commirent. Mais il leur manquait, à eux aussi, le feu sacré, la conviction : on soupçonne d’Estrées d’avoir été hostile à l’alliance autrichienne, et si Frédéric II, dont cette guerre fit un héros germanique, finit par échapper à la quadruple alliance, à la formidable coalition qui l’attaquait, il ne dut pas son salut à ses talents militaires seuls mais à l’espèce de popularité que la mode philosophique et littéraire, habilement soignée, lui avait donnée jusque chez ses adversaires.

En 1757, la Prusse, attaquée de quatre côtés à la fois, semblait sur le point de succomber. Nous avions mis hors de combat les Anglo-Hanovriens qui avaient capitulé à Closterseven. Les Anglais avaient perdu leurs moyens d’agir sur le continent, mais ils ne se sont jamais inclinés devant une défaite continentale tant qu’ils ont été maîtres de la mer. Les États de Frédéric étaient envahis par les Suédois, les Russes et les Autrichiens qui venaient d’entrer à Berlin. L’armée française, avec un contingent important que les princes allemands avaient fourni, s’avançait vers la Saxe. Frédéric, à Rosbach, bouscula les vingt mille hommes de troupes auxiliaires allemandes qui se débandèrent et battit Soubise.

Nous avons, dans notre histoire, subi des défaites plus graves. Il n’en est pas qui aient été ressenties avec plus d’humiliation que celle de Rosbach. À cette sorte de honte, un sentiment mauvais et nouveau se mêla chez les Français : le plaisir d’accuser nos généraux d’incapacité, d’opposer le luxe de nos officiers aux simples vertus du vainqueur. Jamais l’admiration de l’ennemi n’alla si loin : elle a duré, elle a profité à la Prusse jusqu’à la veille de 1870. Frédéric de Hohenzollern passa pour le type du souverain éclairé. Ses victoires,