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voulut couper court et profiter de l’impression produite par la victoire de Lens. L’arrestation de quelques conseillers fut ordonnée et parmi eux Broussel, devenu populaire par son opposition acharnée aux impôts. Ce fut le signal de l’insurrection et des barricades. Devant le soulèvement de Paris, le gouvernement céda. Broussel, « le père du peuple », fut remis en liberté. L’abolition ou la réduction des taxes fut accordée ainsi que diverses réformes, en particulier des garanties pour la liberté individuelle, que le Parlement réclamait. Le pouvoir avait capitulé devant cette ébauche de révolution.

La reine Anne s’en rendit si bien compte qu’elle ne se crut plus en liberté à Paris et emmena le jeune roi à Rueil. Elle n’en revint qu’après la signature de la paix dans l’idée que ce grand succès national changerait les esprits. Mais les traités de Westphalie, si importants pour l’avenir, si importants pour l’histoire, firent à peine impression. Comme la guerre continuait avec l’Espagne, Mazarin, qui devenait l’objet de l’animosité publique, fut accusé de l’entretenir. L’opposition reprit de plus belle. La campagne des pamphlets et des chansons contre le cardinal et la régente s’envenima. Pour la seconde fois, le gouvernement jugea plus prudent de quitter Paris pour Saint-Germain, mais de nuit et secrètement, tant la situation était tendue. À ce départ, le Parlement répondit en exigeant le renvoi de Mazarin et la ville se mit en état de défense. La première Fronde éclatait.

C’était la manifestation d’un désordre général. Grands seigneurs et belles dames, noblesse toujours indépendante, généraux même, clergé avec Gondi (le cardinal de Retz), Parlement, bourgeoisie, peuple : l’effervescence était partout. Il s’y mêlait des souvenirs de la Ligue, des rancunes protestantes (ce qui explique le cas de Turenne), l’impatience de la discipline que Richelieu avait imposée : tout ce qui fait balle dans les temps où il y a des sujets de mécontentement nombreux et où l’on sent que l’autorité n’est plus très ferme. Cependant cette confusion de tant d’intérêts et de tant de « mondes » divers semble avoir été une des causes de faiblesse de la Fronde. Dès le premier choc avec les troupes régulières, l’armée levée par les Parisiens subit un échec devant Charenton. La discorde se mit