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mauvaise posture pour négocier. Élisabeth lui donna son appui moyennant des gages : la remise du Havre d’abord et plus tard la restitution de Calais. Condé et Coligny qui signèrent cette convention ont nié qu’ils eussent voulu trahir. Cependant ils livraient leur pays.

On a comparé l’année 1562 à 1793. Ce fut, en effet, une année de massacres et de terreur où aucun des partis n’épargna l’autre : Montluc et le baron des Adrets, dans le Midi, ont attaché leur nom à ces luttes impitoyables. Mais la Révolution a détruit moins de monuments, d’églises, de tombeaux et de statues, car les protestants s’en prenaient aux « images ». Beaucoup de lieux de France montrent encore les ruines de ce temps-là. Cependant la carte des opinions et des religions a sensiblement changé. Car si, au Sud, catholiques et protestants, personnifiés par Montluc et des Adrets, sont toujours restés en présence, l’Ouest, en partie calviniste au seizième siècle, a vu la défaite de la Réforme. C’est en Normandie, où Condé et Coligny trouvaient leur appui principal, que la bataille se livra. Parti pour protéger le Havre contre les Anglais et reprendre Rouen, Guise rencontra Condé et Coligny près de Dreux et remporta une victoire difficile, mais une victoire. Il lui restait à s’emparer d’Orléans, une des places du protestantisme, lorsqu’il fut assassiné par Poltrot de Méré (1563). À ce guet-apens, le fils de François de Guise répondra dans la nuit de la Saint-Barthélémy. À la guerre civile et religieuse, ce crime ajoutait la vendetta.

En attendant, les événements avaient travaillé pour Catherine de Médicis. Le duc de Guise, ce roi non couronné, et l’incertain roi de Navarre, tué au siège de Rouen, étaient morts. Le triumvirat cessait d’exister. Le prince de Condé et les protestants étaient vaincus. Catherine, qui avait compris la force du parti catholique, utilisa ces circonstances. Le parti calviniste était découragé, fatigué de la lutte. Elle le divisa. Elle offrit la paix à Condé et aux gentilshommes protestants, leur accordant la liberté du culte qui était refusée à quiconque ne pouvait célébrer la Cène en privé et dans son château. Ainsi l’aristocratie protestante avait satisfait son point d’honneur et semblait abandonner la plèbe. Un coup était porté au parti, mais c’était loin d’être le coup de grâce.