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la Monarchie avait été élective. De consuls à vie, les Capétiens étaient devenus rois héréditaires. Depuis Hugues Capet, il avait fallu près de deux siècles et demi pour que l’hérédité triomphât. Événement immense. La France avait un gouvernement régulier au moment où les empereurs d’Allemagne tombaient les uns après les autres, au moment où l’autorité du roi d’Angleterre était tenue en échec par la grande charte de ses barons.

Mais il était temps que la Monarchie française n’eût plus à se soucier de la succession au trône. Le règne de Louis VIII, occupé à poursuivre l’œuvre de son père contre les Anglais encore installés dans le Sud-Ouest et contre la dynastie toulousaine, encore puissante dans le Midi, ce règne fut court. En 1226, lorsque Louis VIII mourut, son fils aîné avait onze ans. Les minorités ont toujours été un péril. Celle-là compte parmi les plus orageuses. Le règne de saint Louis a commencé, comme celui de Louis XIV, par une Fronde, une Fronde encore plus dangereuse, car ceux qui la conduisaient étaient de puissants féodaux. Les vaincus de Bouvines étaient avides de prendre leur revanche et d’en finir avec l’unificateur capétien. Les conjurés contestaient la régence de Blanche de Castille. Ils cherchaient à déshonorer la veuve de Louis VIII en répandant le bruit de son inconduite et lui reprochaient d’être une étrangère. Ils étaient même prêts à mettre la couronne sur une autre tête. L’énergie et l’habileté de Blanche de Castille réussirent à dissoudre cette ligue qui, par bonheur, ne trouva pas d’appui à l’étranger. Mais le trouble avait été grave dans le royaume. Le danger avait été grand. Deux fois, le jeune roi faillit être enlevé. La fidélité des bourgeois de Paris le sauva et elle sauva la France d’une rechute dans l’anarchie. Ce fut la première victoire de l’idée de légitimité, une idée qui avait déjà des négateurs. Ce fut aussi, le mot a été employé et il n’a rien d’excessif, la première restauration.

L’Espagnole, mère de saint Louis, eut une régence aussi difficile et aussi brillante que celle d’Anne d’Autriche le sera. Elle ne défendit pas seulement la couronne contre les mécontents. Elle réunit le Languedoc au royaume, cueillant ainsi, grâce à la prudente abstention de Philippe Auguste, le fruit politique de la guerre contre les Albigeois. À l’Ouest, le comte