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barbe, deux yeux qui venaient sur vous, tout contre, parce qu’ils ne voyaient bien les choses que de près. Il examina le certificat simplement pour apprendre qu’elle s’appelait Marie.

— Voilà, dit-il, Marie, je cherche une bonne. Vous aurez trente francs. Plus tard… hum… si vous avez besoin de vous arranger… hum… plus tard on s’arrangera.

Elle voulut bien ; ils partirent tout de suite ; ils prirent une voiture parce qu’elle avait une malle.

C’était une belle maison, avec beaucoup de fenêtres, deux étages, près de l’avenue Louise, un quartier de riches, à ce qu’elle apprit.

— Votre maître, lui dit-on, est un coureur. Sa femme l’a quitté.

Au contraire, elle le trouvait très sérieux, et comment une femme avait-elle pu se fatiguer d’une si belle barbe ?

Ainsi que cela se fait, Monsieur partageait sa maison avec des locataires. Au premier étage vivait un Turc, au second un général. Du Turc, Marie ne savait rien, sinon qu’il était Turc. Il avait un domestique tout noir, qui s’appelait Ali. Quelquefois le Turc, entr’ouvrant sa porte, criait : « Ali ».

Le nègre sortait alors de la cuisine son personnage obscur et glissait dans le couloir à pas feutrés, en chantonnant. Le premier soir, dans l’escalier, elle eut peur en entendant cette voix dont elle ne distinguait pas le visage.

Le général du second, Marie eût bien aimé le voir en tenue militaire. Mais il ne la mettait plus. Il portait un veston sans ornement, un