Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main rude pour les autres, douillette pour eux, peuvent de tout, et avant tous, prélever la grosse part, au moins de ce qui est bon. Elle tenait d’ailleurs autre chose de lui, dont les sœurs, des gaillardes à moustaches, traînaient beaucoup d’enfants. Très jeune, elle se montrait déjà particulièrement attentive à reboutonner la culotte de ses petits frères quand ils avaient fini de faire pipi.

Un jour un voisin passa. En vareuse ou sous la casquette, il eût été l’ouvrier qui part à sa besogne, dont on ne pense même pas : « Tiens, il passe ». Mais celui-ci portait un veston bien taillé, une jolie cravate, des moustaches très fines retroussées par le bout. Et puis, quand il eut passé quelquefois, elle sut qu’il s’appelait Hector, ce qui lui permit de se dire :

— Voilà M. Hector qui passe.

Il passait quatre fois par jour : deux fois avant le dîner, deux fois après, et régulièrement aux mêmes heures.

À ces moments, Marie trouvait souvent à faire quelque chose, à la fenêtre, du côté de la rue :

— Oh ! père, ce store fonctionne mal. Mère, on a jeté de la boue sur la vitre…

Ensuite Hector.

Il souriait ; il avait une façon bien à lui de sourire, en clignant d’un œil :

— Je sais que vous êtes là. Moi aussi je suis là, avec mon beau veston, mes cheveux fins, mes moustaches que je retrousse exprès pour vous, tenez, comme ça.

Elle ne pouvait répondre avec des mots ; un jour elle répondit de la tête, à peine. Il ne