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nues ? La seule vêtue, elle en devenait la seule inconvenante.

Quant aux compagnes, elles étaient certes moins vulgaires que celles de Londres, surtout que celles du Club, mais elles auraient dû se surveiller. Ainsi Mignon, une bien jolie petite femme cependant, ne rattrapait jamais à temps les jurons qui lui venaient à la bouche ; Sarah, pour les choses de l’amour, avait des mots vraiment en viande trop crue, à faire vomir. Et puis elles étaient toutes superstitieuses : elles avalaient des pommes de terre bourrées de moutarde ou bien se frottaient le derrière aux chambranles : cela, disaient-elles, pour attirer les types. Quelles sottises ! Marie ne croyait pas à la moutarde, Marie ne frottait pas son derrière aux chambranles et pour l’amour préférait les actes aux paroles, car les actes, ça n’est jamais sale.

— Mais Blanche, disaient les hommes, tu n’es pas faite pour cette vie ; ne crois-tu pas que tu serais mieux ailleurs ?

— Possible, réfléchissait Blanche, tout de même je ne suis pas malheureuse.

On la prenait de préférence. C’est même très curieux : elle ne faisait rien pour qu’on la prît. Ainsi, quand un client se présentait, il fallait se mettre tout autour de lui et, sans rien dire, attendre que, dans cette corbeille de femmes, il eût choisi. Les autres souriaient, prenaient des poses, insinuaient par leurs gestes qu’elles seraient gentilles. Blanche pas. Elle regardait l’homme simplement avec des yeux qui ne cachaient rien de leur plaisir à regarder un mâle. Il s’y trompait rarement ; plus tard il