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gieuse négligence sur ce point, ils n’étudient la nature que périodiquement et comme par sauts[1] ; ils n’observent les corps que lorsqu’ils sont achevés, tout formés. Cependant, si l’on vouloit se faire une juste idée de l’intelligence et de l’adresse d’un artisan où d’un artiste,

  1. Les relations sociales qui nous forcent à travailler, à parler, à sentir, à penser, à vivre, pour ainsi dire, la montre à la main, nous circonscrivent, nous clouent dans un cercle étroit d’occupations, de jouissances, de sensations, de pensées ; toujours les mêmes, et toujours commandées par notre situation. Pour faire de véritables découvertes, il faut rompre une partie de ces liens, et se livrer un peu plus à l’instinct qui tend à varier sans cesse notre état physique, moral, ou intellectuel. S’il est prouvé que toutes les vraies connoissances soient originaires des sensations, il est clair que, pour apprendre ce qu’ignorent les autres hommes ; il faut se faire un genre de vie tout différent du leur, afin de sentir et de penser autrement qu’eux, en rompant un peu les liens que le devoir n’a pas formés : mais, pour les rompre, il faudroit avoir un cœur d’acier, et la première partie de la philosophie est d’être bon, le reste est par dessus le marché.