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capital et travail

circonstances atténuantes aux profusions d’un Nabab. Elles ont du moins le mérite de provoquer l’échange. Le préjudice ne vient point de l’éparpillement, mais de l’accumulation, Pour la société, un million, dissipé même en folies, est une sorte de restitution, un demi-profit ; un million amassé est une perte sèche, un gros dommage.

Pourquoi l’opinion n’en juge-t-elle point ainsi ? Parce que les apparences la fourvoient. Le gaspillage révolte justement comme une insulte à la misère. La thésaurisation, au contraire, prend des airs modestes et rangés, toujours bien venus sous les noms d’ordre et de prévoyance. C’est elle cependant la coupable. La prodigalité, sa fille, si odieuse par ses déportements, ne fait que réparer en partie les crimes de sa mère. Le vrai monstre n’est pas tant le dissipateur insolent et bruyant, qui éclabousse la foule de ses scandales, que l’avare aux doigts crochus, l’araignée sordide, qui Capitalise silencieusement les victimes au centre de sa toile.

L’Épargne, cette divinité du jour, prêchée dans toutes les chaires, l’Épargne est une peste. Elle ne se fait qu’aux dépens de la consommation, par conséquent, de la production. Restreindre ses achats, mettre de côté le numéraire, c’est diminuer d’autant l’échange, amener l’engorgement et tout aussitôt le chômage.

Supposez que la France entière, dans une furie