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critique sociale

dus du Pacifique, vont disparaître à ce contact mortel.

Depuis bientôt quatre siècles, notre détestable race détruit sans pitié tout ce qu’elle rencontre, hommes, animaux, végétaux, minéraux. La baleine va s’éteindre, anéantie par une poursuite aveugle. Les forêts de quinquina tombent l’une après l’autre. La hache abat, personne ne replante. On se soucie peu que l’avenir ait la fièvre. Les gisements de houille sont gaspillés avec une incurie sauvage.

Des hommes étaient apparus soudain, nous racontant par leur seul aspect les premiers temps de notre séjour sur la terre. Il fallait conserver avec un soin filial, ne fût-ce qu’au nom de la science, ces échantillons survivants de nos ancêtres, ces précieux spécimens des âges primitifs. Nous les avons assassinés. Parmi les puissances chrétiennes, c’est à qui les achèvera.

Nous répondrons du meurtre devant l’histoire. Bientôt, elle nous reprochera ce crime avec toute la véhémence d’une moralité bien supérieure à la nôtre. Il n’y aura pas assez de haines ni de malédictions contre le christianisme qui à tué, sous prétexte de les convertir, ces créatures sans armes, contre le mercantilisme qui les massacre et les empoisonne, contre les nations qui assistent d’un œil sec à ces agonies.

Les malheureux n’ont pu s’assimiler à nous.