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critique sociale

Lazare. — Non, c’est un compliment.

Gobseck. — Un compliment ?…

Lazare. — Parbleu ! Préféreriez-vous être né pigeon ?

Gobseck. — Pas si bête !

Lazare. — Vous voyez… Eh ! bien, il y en a qui ont cette bêtise. Voilà pourquoi je vous fais le compliment en question. Il ne plairait pas à tout le monde. Mais ne pas vous l’adresser à vous, ce serait dire que vous avez le cœur très mal tourné, et ça ne ressemblerait ni à une consolation, ni à un compliment. pas vrai ?

Gobseck. — Au fait, non.

Lazare. — Vous êtes donc né vautour… Vous n’êtes pas le seul. On en voit des masses. Ils naissent un peu partout, mais pas tant chez les riches que chez les pauvres, d’abord, parce que les pauvres sont les plus nombreux, ensuite, parce qu à force d’être mangés, la rage les prend quelquefois de manger les autres. Quand un malheureux a eu le cœur rongé de cette rage-là toute sa vie, l’enfant qu’il met au monde a grosse chance de naître vautour. Je gage que vos parents criaient la faim.

Gobseck. — Le fait est que nous étions bien minables.

Lazare. — C’est ça. Né dans les guenilles et vivant dans les guenilles, avec du pain sec, vous avez vu autour de vous le luxe à côté de la