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apologue du menuisier, par bastiat

la division du travail et l’usage de la monnaie, son corollaire forcé, l’échange au pair est la loi sociale et morale des nations, jusqu’à l’avènement d’un ordre plus parfait.

Si on ne t’achetait pas ton produit, tu mourrais de faim, et tu remercies par un guet-apens ! Au lieu d’acheter le produit du voisin, tu l’affames par la confiscation de l’instrument d’échange. Et quand il se trouve à ta merci, tu lui loues à usure ce qu’il t’a livré gratis. Tu t’enrichis de sa détresse qui est ton œuvre. Il est désormais ton esclave, ta bête de somme. Tu rends le mal pour le bien. Tu est un ennemi public.

Dans son pamphlet : Maudit argent, page 82, Bastiat dit : « En recevant un écu pour prix d’un service que je vous rends, c’est moi qui maintenant suis en avance envers la société du service que je viens de lui rendre en votre personne. C’est moi qui deviens son créancier de la valeur du travail que je vous ai livré, et que je pouvais me consacrer à moi-même. »

Mensonge ! Tout l’échafaudage de l’usure repose sur cette absurdité, qu’on pourrait garder pour soi la valeur du travail qu’on livre à autrui. Le produit de ce travail ne prend de valeur que dans l’échange, précisément parce qu’il est impossible de le consommer soi-même. Quand un cordonnier a chaussé une paire de souliers sur cent qu’il fabrique, il doit échanger tout le reste