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les apologies de l’usure

mesure, et l’humanité ne fera jamais un pas en avant. Le capital ne se formera plus, puisqu’il n’y aura plus intérêt à le former. Il sera d’une rareté excessive. Singulier acheminement vers le prêt gratuit ! Singulier moyen d’améliorer le sort des emprunteurs que de les mettre dans l’impossibilité d’emprunter à aucun prix ! Que deviendra le travail lui-même ? Car il n’y aura plus d’avances dans la société, et l’on ne saurait citer un seul genre de travail, pas même la chasse, qui se puisse exécuter sans avances. Et nous-mêmes que deviendrons-nous ? Quoi ! Il ne nous sera plus permis d’emprunter pour travailler, dans l’âge de la force, et de prêter pour nous reposer, dans nos vieux jours ! La loi nous ravira la perspective d’amasser un peu de bien, puisqu’elle nous interdira d’en tirer aucun parti. Elle détruira en nous et le stimulant de l’épargne dans le présent, et l’espérance, du repos dans l’avenir. Nous aurons beau nous exténuer de fatigue, Il faut renoncer à transmettre à nos fils et à nos filles un petit pécule, puisque la science moderne le frappe de stérilité, puisque nous deviendrions des exploiteurs d’hommes, si nous le prêtions à intérêt. Ah ! ce monde, qu’on ouvre devant nous comme un idéal, est encore plus triste et plus aride que celui qu’on condamne, car, de celui-ci au moins, l’espérance n’est pas bannie ! »