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critique sociale

titre de dîme. Évidemment, ils livrent gratis à l’oisif les produits qu’il a l’air d’acheter, et gratis encore ceux qu’ils paraissent vendre aux individus occupés de pourvoir au superflu du privilégié. Car ces individus ne créent rien alors qui s’échange contre un labeur quelconque. Ils forment autour de chaque oisif une sorte de domesticité mobile, entretenue gratuitement par la masse.

Dans l’ensemble de la circulation, il n’existe d’échange véritable que celui de produit contre produit équivalent. Deux chalands, un ouvrier et un rentier, entrent dans un magasin et font la même emplette. Le marchand encaisse les deux monnaies. Pour lui, profits identiques, et nulle différence entre les acheteurs, si ce n’est qu’il réserve à l’habit son meilleur sourire, à la blouse sa nue la plus froide,

Pour la société, c’est autre chose. L’achat de l’oisif est une perte sèche, Car il le solde avec l’argent d’autrui qui ne lui a rien coûté. La dépense du travailleur est un bénéfice, parce qu’elle constitue l’échange mutuel au pair. Qui fait jamais cette distinction ? Personne. Loin de là, toutes les préférences, toutes les tendresses sont pour le riche, parce qu’il verse plus de numéraire dans la circulation. Le bienheureux métal est accueilli avec transport, et l’on ne s’avise guère, en le palpant, d’en contrôler l’origine.