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temps presque inconnue, même aux meilleurs de nos homérisants, — et elle le reste encore, — on n’a qu’à parcourir la Préface de M. Heymann à son Odyssey of Homer (1866) : de Zénodote à Cratès, les quatre premiers Alexandrins en occupent dix pages ; de Rhianos à Apion, les quatorze suivants n’en occupent pas cinq.

Wolf lui-même nous dit, à la page 190 de son premier volume : « Des six cents auteurs, qui durant ces siècles s’adonnèrent à l’illustration, correction et corruption du texte homérique, c’est à peine si trente noms sont un peu connus. Je laisse de côté la foule de ceux qui ne collaborèrent à cette œuvre qu’en passant, philosophes, mathématiciens, astronomes, médecins, historiens, géographes, mythographes, rhéteurs. Mais des deux cent cinquante spécialistes, que nomment les scholies de Venise, duquel avons-nous une connaissance précise ? Récolte laborieuse à faire et d’un travail le plus souvent impayé ! Cherchez les moindres indices ; passez tout au crible : vous aurez quelques traits, mais non pas une idée de toute cette science, qui encombrait les bibliothèques des critiques d’Homère au temps d’Apion. »

Pour arriver à ce temps d’Apion, il aurait donc fallu que Wolf consacrât des années à cette « récolte laborieuse » dont il ne prévoyait pas grand profit, à cette exhumation de « tant de cadavres consumés sur ce bûcher de volumes » !... Il préféra demeurer en chemin et ne tirer de ce spectacle qu’une consolation » pour nous autres, modernes, qui devons songer au destin lamentable de tant d’écrivains illustres, quand nous craignons pour nos ouvrages soit la mort précoce, soit le dénigrement de quelque censeur trop acerbe, solatium quaeramus nostris sive cito interituris, seu aliquando acris censoris carbone notatis.