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tains et un peu durs. Mais peut-on dire que l’un ou l’autre soient injustes ? A lire certaines lettres de Wolf à Böttiger, ils semblent au contraire de tout point indulgents. Wolf avait fait grand mystère de son entreprise. Il avait pris toutes les sûretés contre les indiscrets et même contre ses confidents les plus intimes, ne leur communiquant ses bonnes feuilles qu’avec des précautions et des recommandations presque blessantes[1]. Il voulait que les Prolégomènes éclatassent en coup de foudre pour la stupéfaction du public et des érudits, et son fidèle Böttiger se réjouissait d’avance, mais quelques jours seulement avant la foire de Pâques (25 mars 1795), « de l’étonnement et des longs visages que l’on allait voir au parterre et dans les loges, sitôt que l’envieux rideau serait levé[2] » ; il n’est pas douteux que Böttiger plaçait Heyne dans la plus honorable des premières loges... Ce souci du secret était habile : on n’en pouvait même pas discuter l’honnêteté commerciale. Mais Heyne avait raison de dire que le procédé manquait un peu de cette « loyauté » que l’on se doit entre gens de science travaillant sur le même sujet, et quand on sait par Wolf lui-même les services que, pour ses travaux antérieurs, il avait acceptés ou sollicités de son ancien maître, on est en droit de dire qu’il n’était pas envers Heyne tenu à la loyauté seulement.

Un autre mot de Heyne devait irriter Wolf et grandement : Heyne rappelait avec un peu d’ironie à son élève les autres travaux abandonnés pour cette entreprise homérique, mit Beiseitesetzung anderer Arbeiten. Ici, on ne peut qu’admirer la courtoise modération de Heyne : un critique, moins hautain, mais plus cruel,

  1. Cf. W. Peters, Zur Geschichte, p. 9.
  2. Id., ibid., p. 9 : auf das Staunen und die langen Gesichter die, wenn auf einmal der neidische Vorhung aufliegen wird, im Parterre und den Logen zu sehen sein werden.