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Clarke, — on voit que Bentley ne faisait que reprendre et traduire, — après d’Aubignac, — les allégations de ces Anciens, qui croyaient en l’existence et en l’œuvre d’un Homère, auteur de chants séparés dont on fit ensuite les deux poèmes homériques. Mais d’Aubignac est autrement révolutionnaire (p. 70 et 83). Il ne lui semble pas « étrange de présumer qu’Homère n’est point le nom d’un poète et qu’il n’est point auteur des écrits qu’on lui attribue ; ce sont plusieurs petits poèmes séparément composés par différens auteurs. »

Quoique les Conjectures lui soient familières, c’est par un soin bien entendu et de sa propre gloire et de sa propre sécurité que Wolf veut s’en tenir à Bentley. Ces quatre lignes de Bentley ne diminuaient en rien l’originalité d’un livre comme les Prolégomènes. Et, si l’opinion de Bentley pouvait en 1795 sembler encore originale et neuve, elle n’allait pas jusqu’à l’hérésie proprement dite, jusqu’à l’athéisme homérique : Homère subsistait ; les deux poèmes restaient, pour le gros, son ouvrage… Et Bentley était un assez grand nom pour que Wolf consentît à faire une petite place auprès de soi à ce prince des critiques.

Aujourd’hui, nous avons un peu oublié la gloire de Richard Bentley (1661-1742) qui, en 1697, avait nié l’authenticité des prétendues Lettres de Phalaris, tyran d’Agrigente. Durant tout le xviiie siècle, cette affaire avait continué de passionner les érudits d’Outre-Rhin : la France des philosophes connaissait d’autres audaces ; mais pour Wolf et ses contemporains, ce Galilée de la philologie anglaise restait un objet d’admiration et presque d’épouvante. Harles lui consacrait trois pages (662-666) en sa Bibliotheca graeca, et Wolf deux notices en ses Litterarische Analekten. Mais tout en se