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Si Wolf avait vraiment en feuilles depuis cinq ou six ans son édition de Lucien, c’est dès 1785 ou 1786 qu’il connaissait d’Aubignac. Mais ne prenons que la date la plus certaine, c’est-à-dire : mars 1791.

De l’apparition de ce Lucien à l’apparition des Prolégomènes, de mars 1791 à mars-avril 1795, Wolf a eu quatre années pour bien lire, relire et connaître son d’Aubignac ; nous pouvons donc le croire quand il nous parle de lectures répétées... Il n’est plus qu’un mot dans sa note 84 que je voudrais souligner encore ; ce n’est qu’une vétille grammaticale, mais dont nous aurons besoin par la suite : « Peu de temps après, je reçois ce livre, paullo post accipio opusculum. » Dans le latin de Wolf, ce « je reçois » n’est qu’un indicatif d’élégance ; il ne faut pas le traduire par un indicatif réel et croire que Wolf reçoit les Conjectures pendant qu’il compose ses Prolégomènes... Rêve d’adolescence réalisé dans l’âge mûr, l’Homère de 1794 était le fruit de longs travaux ; Wolf avait brûlé une première fois (nous ne savons pas à quelle date) les notes qui emplissaient ses cartons ; mais il en avait repris de nouvelles durant « ces années dernières » ; il était à même de porter sur les poèmes homériques et leurs commentateurs, sur d’Aubignac en particulier, non pas un jugement hâtif et sommaire, mais une sentence débattue et détaillée. Du jour où il s’était mis à son Odyssée scolaire (1784), il avait tout préparé, tout recueilli pour sa future édition savante ; durant ces dix années, certains autres travaux avaient pu l’occuper, œuvres secondaires ! jamais Homère n’était longtemps sorti de son esprit, de son regard[1]. Ce n’est

  1. Prolegomena, p. 16 : mihi vero paratis opibus acquiescendum putanti, quum Odysseae tantum novos codices quaererem, statim ab eo tempore quo poeta primum in hac urbe usui scholarum aptaretur, ipsa tunc curae meae festinatio quodammodo extorsit hoc consilii ut, colligendo quodcumque textus rationibus ullo modo profore videretur, strenue ad hunc recensionis laborem pararem ; quidquid interea egi, etsi nonnulla me satis occupatum tenebant, subsecivae operae fuerunt ; Homerum nunquam diu ex animo et conspectu amisi.