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Il paraît certain que nous avons là une invention de l’école de Pergame, en particulier du grammairien Athénodore Kordylion, qui vint et vécut à Rome au temps de Cicéron. Avant cette époque, le dialogue socratique, intitulé Hipparque et faussement attribué à Platon, contient une allusion à ce rôle des Pisistratides : « Le fils de Pisistrate, Hipparque, a, le premier, apporté, amené en ce pays-ci (Athènes) les œuvres d’Homère, de même qu’à bord d’une pentécore envoyée par lui, il a amené, apporté en cette ville la personne d’Anacréon ». Anacréon existait en chair et en os avant que le fils de Pisistrate le prît sur son bateau ; les Poésies d’Homère existaient de même en texte et recueil avant qu’il les apportât en Attique[1].

  1. La légende de Pisistrate nous a été transmise par les Byzantins avec d’admirables embellissements. Un grammairien du ve ou vie siècle de notre ère, qui commentait l’Art grammatical de Denys le Thrace, — G. Choiroboscos, — nous en donne une version merveilleuse, dont voici le résumé : 1o Composés par Homère, les poèmes furent ensuite perdus ou dispersés. 2o Pisistrate entreprit de les réunir. 3o Il recueillit ou acheta tous les manuscrits ou tous les vers homériques qu’on lui apportait. 4o Il chargea une commission des Septante de les classer et raccorder. 5o Aristarque et Zénodote étaient parmi ces Septante. 6o Les signes critiques furent alors inventés. Est-il besoin de dire que Denys le Thrace ne saurait être, ni de près ni de loin, l’auteur de pareilles sottises ? Ce disciple d’Aristarque, qui vivait au iie siècle avant notre ère, savait que son maître n’était pas le collaborateur de Pisistrate et que les obels alexandrins n’étaient pas connus des Athéniens du vie siècle. Ces expressions trahissent le grammairien de la plus basse époque, de même que les « Septante » homériques trahissent le chrétien, lecteur de la Bible grecque.