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apparaîtraient peut-être aussi grands dans l’histoire de l’édition antique, si nous connaissions mieux les détails techniques de cette histoire.

Homère fut durant vingt siècles l’auteur le plus lu, le livre de classe le plus répandu sur toute la surface du monde gréco-latin : pour le recopier en des milliers et milliers d’exemplaires, il dut exister des ateliers, qui fabriquaient « en série » Iliades et Odyssées ; en ces fabriques, un lecteur ou un récitant dictait à haute voix le texte qu’une équipe copiait ; telles fautes, que nous rencontrons dans les manuscrits, ne peuvent pas s’expliquer autrement.

Est-il invraisemblable que scribes et lecteur, spécialisés en cette fabrication et passant toutes les heures de leur vie à ce travail unique, aient eu bientôt la mémoire aussi farcie d’Homère que celle des rhapsodes ? Parfois, souvent, devaient se dérouler dans la dictée ou dans la copie les mêmes séquences involontaires que dans la récitation publique.

Les rhapsodes étaient les plus sottes gens du monde, nous dit Xénophon dans le Banquet. Autant que nous pouvons connaître les éditeurs anciens, c’est le dernier des reproches que l’on doive songer à leur faire : ils semblent avoir exercé, jusqu’aux limites permises, et même au delà, leur double métier de diorthontes