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sion rapide, en un seul mot du chant XIV (vers 255) :

J’équipe neuf vaisseaux, et les hommes affluent. Six jours, ces braves gens font bombance chez moi ; c’est moi qui, sans compter, fournissais les victimes, tant pour offrir aux dieux que pour servir à table. Le septième, on embarque et, des plaines de Crète, un bel et plein Borée nous emmène tout droit, comme au courant d’un fleuve : à bord, pas d’avaries ; ni maladie, ni mort ; on n’avait qu’à s’asseoir et qu’à laisser mener le vent et les pilotes. En cinq jours, nous gagnons le beau fleuve Égyptos.

Comme nos corsaires au Levant, ces vieux pirates de la mer Égée font bombance à la veille de l’embarquement et au lendemain du retour, au bout de toute opération fructueuse ou pénible. Mais le Poète n’a que rapides et sobres formules pour ces festins où l’on compense en une journée les semaines, les mois de privations et de jeûne ; nos Français du xviie siècle, moins civils, nous décrivent en longues phrases complaisantes ces « crevailles » de viandes et de vins, qui s’achèvent dans les pires folies, lacérations d’habits, bris de meubles et de vaisselle, provocations, paris insensés, rixes, coups de couteau ou coups de dague, hoquets et vomissements.

Durant tout un grand jour, jusqu’au soleil couchant, nous restons au festin : on avait du bon vin, de la