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avons connu ces maux et combien d’autres ! quel homme, avant sa mort, aurait jamais le temps de les raconter tous ?

Les Anciens ont un peu exagéré l’admiration de ces détails. Nos commentateurs et traducteurs les négligent un peu trop aujourd’hui, oubliant quelle habileté de l’écrivain et quelle longue vie antérieure du vers ces détails impliquent… Comment les rendre en une traduction ? Il est au chant XIII trois vers (75-77), dont l’allure et la coupe identiques, grâce aux rejets du début, donnent à première lecture une impression de lenteur et de lourdeur maladroites, qu’augmente encore l’accumulation des spondées : c’est l’embarquement et le départ nocturnes d’Ulysse, quittant la Phéacie ; à lire tout haut ces vers spondaïques, devant un auditoire qui ne comprendrait pas le grec, on pourrait lui faire sentir l’intention qui les disposa avec cette symétrie, pour dépeindre le tranquille et profond silence, la calme majesté de ce départ dans l’ordre et dans la nuit ; puis les dactyles du vers 78 font courir le vaisseau dans un embrun d’écume :

Quand ils eurent atteint le navire et la mer, les nobles convoyeurs se hâtèrent de prendre les vivres pour la route et de les déposer dans le fond du bateau ; puis, des draps de linon, ils firent pour Ulysse, sur le gaillard de poupe, un lit où le héros dormirait loin