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prenait de nommer chaque objet par son nom et sans le secours de la fable, lui objectait : « Mais, la mer, par exemple, la mer ; comment direz-vous ? — Je dirai tout simplement la mer. — Eh quoi ! Neptune, Téthys, Amphitrite, Nérée, de gaieté de cœur vous retranchez tout cela ? — Tout cela. » L’académicien n’y pouvait croire. Comment admettre, en effet, qu’il fût possible de composer un poëme moderne sans le secours des dieux de l’antiquité !

Vers cette époque, recommandé à Landon, éditeur des Annales du Musée, Béranger fut employé un ou deux ans (1805-1806) à la rédaction du texte de cet ouvrage. Voulant connaître tout ce qu’il a pu écrire, nous avons lu avec attention les cinq volumes qui forment ces deux années, et dont la rédaction générale est très supérieure à celle des autres volumes de la collection. Quoique ces articles ne soient pas signés, nous avons cru les reconnaître sûrement à une certaine précision pittoresque dans les descriptions, à la vivacité des couleurs dans quelques passages, à une appréciation naïve et sentie des beautés naturelles de certains tableaux ; enfin et surtout au soin que l’auteur a pris de faire ressortir les vues morales, les pensées profondes, les émotions de sentiment qui ont pu inspirer les peintres dont il a examiné les ouvrages.

Grâce à l’appui de M. Arnault, Béranger entra, en qualité de commis-expéditionnaire, dans les bureaux de l’Université, où il resta douze ans. Ses appointements ne s’élevèrent jamais au-delà de deux mille francs ; mais cette somme modique suffisait à ses besoins et il ne sollicita aucun avancement. Gardant pour lui ses pensées et