Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ceux que je n’ai pas vus ou que je n’ai fait qu’entrevoir, ma mémoire a recueilli quantité de faits plus ou moins caractéristiques. Je veux faire une espèce de Dictionnaire historique, où, sous chaque nom de nos notabilités politiques et littéraires, jeunes ou vieilles, viendront se classer mes nombreux souvenirs et les jugements que je me permettrai de porter ou que j’emprunterai aux autorités compétentes. Ce travail peu fatigant, qui n’exige ni des connaissances profondes, ni le talent de prosateur, remplira le reste de ma vie. Je jouirai du plaisir de rectifier bien des erreurs et des calomnies qu’enfante toujours une lutte envenimée ; car ce n’est pas dans un esprit de dénigrement, on le conçoit, que j’ai formé ce projet. Dans une cinquantaine d’années, ceux qui voudront écrire l’histoire de ces jours féconds en événements n’auront à consulter, je le crains bien, que des documents entachés de partialité. Les notes que je laisserai à ma mort pourront inspirer quelque confiance, même dans ce qu’elles auront de sévère, car je ne prétends pas n’être qu’un panégyriste. Les historiens savent tant de choses, qu’ils sauront sans doute alors que j’ai eu peu à me plaindre des hommes, même des hommes puissants ; que si je n’ai rien été, c’est comme d’autres sont quelque chose, je veux dire en me donnant de la peine pour cela, ils n’auront donc pas à me ranger au nombre des