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obligé de renoncer, en partie, à la pompe des mots ; mais, par compensation, ils se seraient habitués à résumer leurs idées en de petites compositions variées et plus ou moins dramatiques, compositions que saisit l’instinct du vulgaire, lors même que les détails les plus heureux lui échappent. C’est là, selon moi, mettre de la poésie en dessous. Peut-être est-ce, en définitive, une obligation qu’impose la simplicité de notre langue et à laquelle nous nous conformons trop rarement. La Fontaine en a pourtant assez bien prouvé les avantages.

J’ai pensé quelquefois que si les poètes contemporains avaient réfléchi que désormais c’est pour le peuple qu’il faut cultiver les lettres, ils m’auraient envié la petite palme qu’à leur défaut, je suis parvenu à cueillir, et qui sans doute eût été durable mêlée à de plus glorieuses. Quand je dis peuple, je dis la foule ; je dis le peuple d’en bas, si l’on veut. Il n’est pas sensible aux recherches de l’esprit, aux délicatesses du goût ; soit ! mais, par là même, il oblige les auteurs à concevoir plus fortement, plus grandement, pour captiver son attention. Appropriez donc à sa forte nature et vos sujets et leurs développements ; ce ne sont ni des idées abstraites, ni des types qu’il vous demande : montrez-lui à nu le cœur humain. Il me semble que Shakespeare fut soumis à cette heureuse condition. Mais que deviendra la perfection du style ? Croit-on que les